A mes amis de l'UJFP, et à d'autres par la même occasion ou pourquoi je suis en désaccord avec l'équation Gaza-Varsovie ou l'éternelle référence à la shoa par Danielle Bleitrach
Publié 19 janvier 2009 Les laboratoires du changement social , Palestine solidarités ModifierJe trouve vu encore de l'extérieur vos débats trés réactifs et parfois stupéfiants,c'est vivant ouvert, sympathique et sans limite de la pensée, trés impressionnant de liberté et d'honneteté, oui mais Il faut que je vous explique pourquoi une fois de plus j'ai du mal à rentrer dans un débat qui me paraît reposer sur un consensus trés général. C'est à se demander pourquoi je trouve si peu de gens à penser comme moi, cela m'inquiète Pourtant je ne peux pas m'empêcher de penser comme ça. Et quand je pense ni dieu ni le diable n'y peuvent rien, c'est pour cela que je ne dois pas faire de politique parce que je n'ai pas d'alliés et je ne sais pas en créer pour faire avancer mes objectifs. Je suis convaincue de quelque chose, je n'y peux rien, mais en revanche j'apprécie que quelqu'un trouve un argument qui m'aide à évoluer.
Il y a des gens durant cet abominable massacre qui m'ont profondément déplu, je me suis fâché avec certains d'entre eux parce qu'ils ont mal supporté mes coups de gueule devant leur manière d'identifier ce qui se passait à Gaza avec l'holocauste ou le ghetto de Varsovie. Ils m'ont excédé c'est vrai et la diplomatie n'est pas mon fort, et je ne crois pas que ce soit par réflexe communautariste au contraire, j'avais l'impression d'être devant une saturnale sans pensée politique. je vais une fois de plus tenter de m'expliquer. je le dis d'autant plus aisément que ce reflexe qui refuse d'identifier l'histoire juive avec le crime israélien me paraîtrait parfaitement légitime et je considère qu'une propagande qui vise à blesser quelqu'un comme moi qui ai toujours été contre le sionisme, pour le peuple palestinien est stupide. la seule chose qui justifierait une telle équation est l'idée selon moi erronée, je vais le démontrer, que si Israêl jouit d'une impunité c'est parce l'occident a mauvaise conscience face à la shoa.
Je trouve cette équation complétement fausse non seulement parce que comme Gilles Questiaux l'a dit sur mon blog, au rythme des meurtres en Palestine, à Gaza il faudrait 120 ans pour accomplir le programme nazi mais parce que c'est une manière de se faire plaisir sans avancer d'un pouce dans la compréhension et l'action en faveur du peuple palestinien. Celui-ci manque encore de voix de la taille d'un E.Said. La nouveauté de la période ce sont les voix juives qui se sont élevées pour dire leur désaccord, c'est une chance qu'il faut saisir. Cette nouveauté n'est pas née seulement d'un sursaut moral mais parce qu'il y a eu victoire de l'héroïque peuple palestinien. Pour la première fois l'existence longtemps niée du peuple palestinien est apparu avec l'éclat d'une résistance et du martyre de tout un peuple. C'est une lutte de libération nationale qui monte à un niveau inconnu et elle a besoin d'être appréciée comme telle et non à travers des mythologies.
C'est aussi peut-être et c'est là que l'UJFP a un rôle a jouer: tout un courant progressiste juif a été étouffé comme l'a été la diversité du judaïsme dans l'histoire et dans ses différents foyers? Ce courant remonte à la surface, pourquoi ? est-ce simplement un sursaut moral ? Oui mais sur un fond historique, parce qu'il y a effectivement après vingt ans de domination impérialiste, le déclin de l'empire étasunien et le surgissement dans le désordre d'exigences des populations et pas seulement en Amérique latine.
Ces nouvelles voix juives ne sont pas nées de l'horreur devant l'équation Gaza-Varsovie, elles ont surgi sur le terreau de la lutte des peuples et la recherche d'un monde avec de nouvelles relations internationales. Dans le contexte de la crise du modèle impérial et impérialiste qui avait paru triompher avec la disparition de l'ex-URSS. Et la résistance palestinienne elle même se développe sur ce terreau historique, balaye le compromis néfaste d'oslo et sa suite, toute chose liée à la domination apparement sans partage de cette phase impérialiste appelée néo-libéralisme qui s'effondre dans des craquements dignes de la chute de l'empire romain. Ce qui paraissait supportable est fort heureusement en train de devenir insupportable et l'idéologie néo-conservatrice, le prétexte du "terrorisme" est en train d'être balayé, le meurtre d'un enfant est plus vrai que toutes ces arguties.
Je pense, j'ai toujours pensé qu'il ne fallait pas faire une exemplarité de la Shoa et du sionisme mais bien resituer cet événement dans un contexte historique, pour la shoa celui des génocides européens, en Amérique latine, en Afrique, retrouver la question du colonialisme et de l'impérialisme, y compris aujourd'hui. Refuser l'exemplarité, le caractère religieux et intrinséquement pervers du sionisme pour bien en montrer comme le fit Maxime Rodinson le caractère réel, opération coloniale s'appuyant sur une mythologie biblique trafiquée. A ce titre je suis frappé par le fait que ceux qui s'acharnent sur l'idée de la shoa fondatrice sont non seulement les occidentaux mais aussi l'autorité palestinienne désavouée qui reprend le thème "pourquoi faire payer aux palestiniens qui n'y sont pour rien la Shoa", c'est vrai mais c'est ne pas accorder toute sa place au véritable projet qui a été d'installer une tête de pont impérialiste dans le Moyen orient, et de la faire jouer un rôle dans un lien hostile et complice avec des dirigeants corrompus comme les saoudiens ou l'Egypte de Moubarak ?
Ne pas cesser aujourd'hui de faire l'équation shoa-Gaza c'est blanchir l'impérialisme. C'est aller dans le sens de ceux qui disent que c'est à cause de la shoa qu'Israél jouit de l'impunité, c'est faux archi-faux. Les impéiralist(es, les colonialistes n'ont aucune culpabilité, ils sont prêts à recommencer toutes les shoas, tous les hioroshimas du monde, si leurs intérêts sont en jeu, et avec la crise leurs intérêts risquent d'être en jeu. Je trouve cette équation complétement fausse parce que c'est une manière de se faire plaisir sans avancer d'un pouce dans la compréhension et l'action en faveur du peuple palestinien. Il n'y a d'action et de compréhension que quand on mesure ses propres responsabilités, et pour nous qui sommes en Europe, dans une France profondémement colonialiste hier et aujourd'hui, il est plus urgent de bien voir la nature des complicités qui peuvent encore et toujours se nouer avec le sionisme et qui ne reposent pas sur la "culpabilité" des colonialistes, laquelle celle de la haute fonction publique de papon? Celle d'un PS de Guy Mollet envoyant le contingent en Algérie? celle de la france de Sarkozy cherchant "les aspects positifs" de la colonisation et ayant totalement oublié les massacres de Sétif ? Celle des bilans d'Hortefeux ?
L'impunité caractérise les Etats-Unis et l'Europe elle même et ce depuis longtemps, c'est l'impunité colonisatrice et impérialiste, elle repose non sur la culpabilité mais sur le droit au pillage.A ce titre j'ai été frappée durant toute la récente période qu'il soit question légitimement de faire passer devant le tribunal international les dirigeants israéliens mais jamais Bush et ses acolytes. Pourtant la responsabilité dans le crime est largement partagée et celui des Israéliens ne pourrait avoir lieu sans les Etats-unis. Oui mais voilà sous ses airs radicaux cette équation Gaza Shoa est une pseudo radicalité des petits bourgeois qui veulent bien ôter la barbarie mais jamais le ventre qui l'engendre. C'est ce que disait déjà Brecht en dénonçant la manière dont on refusait de voir la parenté entre les vertueuses démocraties occidentales capitalistes et le nazisme. Hiroshima lui a rapidement donné raison.
C'est aboutir à cette stupidité digne intellectuellement d'un Bernard henri Levy: la culpabilité de l'occident, comme si le colonilaisme, le capitalisme et l'impérialisme avaient une conscience douloureuse
Leurs douleurs ne sont que pitreries à la Finkelkraut et à la BHL.
Donc cette équation Gaza- Shoa donne bonne conscience à tout le monde sur le dos d"un bouc émissaire commode (la victime perverse devenue bourreau à son tour, ou la logique du pédophile) mais cache la nature du mal donc la recherche de solutions humaines et justes. En particulier si un Etats colonial, impérialiste doit être aboli comme a été aboli celui de l'apartheid quel est l'objectif, aboutir à l'exode des populations comme' en Algérie? Ou justement la solution d'Afrique du sud ? Qu'est-ce qu'on cherche exactement ?
Je ne sais pas si j'ai raison et j'ai besoin de discusssion collective mais je n'arrive pas à penser autrement.
Il est inutile de m'expédier tous les textes qui font cette équation, je les connais parfaitement et je ne suis pas d'accord, je suis prête à me battre avec leurs auteurs pour la victoire du peuple palestinien, mais je ne pense pas comme ça et je le dis. Est- ce que je dis est toléré dans le débat ou la logique du pédophile, celle déjà décrite par fritz lang dans la montée du nazisme dans M le maudit l'emportera? Cette logique sur laquelle s'entendent gangsters et policiers pour continuer leurs trafics, celle qui convient à la fois aux sionistes, aux etats-unis et aux dirigeants arabes corrompus l'emportera ?
Dans l'attente que le débat devienne enfin possible ce blog va pour quelques temps un peu entrer en sommeil. je dois préparer un voyage dans le sud algérien, je voudrais écrire un livre. De temps en temps je viendrai donner le feu vert aux contributions, j'apporterai des textes qui me paraissent importants, et si je juge urgent une bataille je renouvelerai un rythme qui est aujourd'hui épuisant. Amitiés à tous et sachez que l'empêcheuse de penser reviendra bientôt, puisqu'elle ne peut pas s'empêcher de penser en dehors des limites de TOUS les consensus. Et qu'étant de ce fait vouée à toutes les censures, elle a besoin de ce blog qui a atteint les 4000 visiteurs par jour, ce qui me paraît excessif. Il faut faire retomber l'audience ne serait-ce que pour se débarrasser de tous les obsessionnels de la haine d'un camp ou de l'autre. Il faut chérir l'indignation, parce qu'il n'y a pas d'espoir de transformation sans cette indignation, sans cette colère, mais il n'existe pas de révolutionnaire sans confiance en l'humanité.
Danielle bleitrach