mercredi 23 avril 2008

N°352 - Les Dossiers d'Irak - 22-04 - G1- La guerre en Irak et le réchauffement global de la planete.]



-------- Message original --------

Sujet: N°352 - Les Dossiers d'Irak - 22-04 - G1- La guerre en Irak et le réchauffement global de la planete.
Date: Wed, 23 Apr 2008 11:05:28 +0200
De: Marc Lemaire mailto:fa032881@skynet.be



Aujourd'hui, face aux ambitions hégémonique de l'impérialisme, l'information est une arme au service de la paix
Dénoncer ne suffit plus, il faut expliquer, informer, transmettre




Les Dossiers d'
Irak

N°352 22/04/08

Par M.Lemaire





Le "
Journal d’Irak " est visible sur ...
a) sur mes blog : http://www.dhblogs.be/categories/International.html http://www.lalibreblogs.be/categories/International.html

b) sur le site http://turkmenfriendship.blogspot.com/2007/10/journal-dirak-de-m-lemaire.html

NB : Si vous voulez-me contacter ou obtenir le Journal par mail, une seule adresse : http://www.blogger.com/




Sommaire :

Avant propos

La guerre en Irak et le réchauffement global

1 Médias et Manipulation de l’opinion / Vidéos

1-1 La fabrique du virtualisme (+ 2 annexes)

Richard Hétu : Comment manipuler l'info sur la guerre.

Le Monde : Comment l'administration américaine façonne l'information de l'intérieur

2 Brèves


2-1 Contrôler la formation de militaires étrangers…

2-2 L’artiste égyptien Mahmoud Yassin met l’accent sur les efforts que déploie la Syrie pour aider les réfugiés Irakiens sur son territoire.
2-3 Brèves de brèves

3 Dossier & Point de vue

3-1 Point de vue de DeDefensa : La “guerre majeure” implique la “débâcle majeure”


3-2 Point de vue de Juan Cole : les guerres d’Irak.

3-3 Point de vue de Danilo Zolo : Irak, 5 années de guerre - La guerre devient globale.
3-4 Point de vue de DeDefensa : Déconstruction de la puissance.
Courrier des lecteurs & trouvé sur le net & témoignage

4-1 Le Pentagone en collaboration avec des universités et des hôpitaux va financer un institut de médecine régénérative pour blessés de guerre.

4-2 Mohamed Al Daïni : L'horreur à la prison de Bâakouba.

5 Annexe Géopolitique et stratégie – Réflexion

5-1 Irak: une "immense débâcle", selon Joseph Collins































Avant propos

La Havane. 22 Avril 2008

La guerre en Irak et le réchauffement global
IL s’agit d’un résumé du rapport qui vient d’être publié sur la contribution de la guerre en Irak au réchauffement global. Voici certaines de ses conclusions :
1 – Le coût total pour les Etats-Unis de la guerre en Irak pourrait couvrir la totalité de l’argent nécessaire pour tous les investissements dans des énergies renouvelables jusqu’en 2030.
2 – La guerre a été responsable, depuis mars 2003, d’au moins 141 tonnes métriques de CO2. Pour mettre cette quantité en perspective :
- Le CO2 émis équivaut aux émissions de 25 millions de voitures.
- Si les émissions de la guerre étaient comptabilisées pour un pays particulier, celui-ci émettrait plus de CO2 annuellement que 139 pays dans le même laps de temps.
- Se situant entre la Nouvelle-Zélande et Cuba, la guerre émet annuellement plus de 60% des émissions de l’ensemble des pays.
- Les émissions jusqu’à aujourd’hui sont deux fois et demi plus importantes que celles qui auraient pu être évitées entre 2009 et 2016 si la Californie avait mis en place les autorégulations proposées et que Bush a refusées.
3 – Les 600 000 millions de dollars que le gouvernement étasunien a « investis » en Irak jusqu’à présent, auraient suffi pour construire 9 000 parcs éoliens (d’une capacité de 50MW chacun)
4 – En 2006 les Etats-Unis ont dépensé plus d’argent pour la guerre en Irak que le monde entier en investissements pour les énergies renouvelables.
5 – Le candidat présidentiel Barack Obama a promis d’investir « 150 000 millions de dollars dans les 10 prochaines années pour la prochaine génération en technologie et infrastructures de l’énergie douce ». Les Etats-Unis dépensent presque cette quantité en 10 mois en Irak.
Ces estimations sont basées sur la guerre elle-même (utilisation intensive de combustible), les feux dans les puits de pétrole, l’augmentation des explosions de gaz, le boom dans la consommation de ciment à cause de la reconstruction et de la sécurité, l’emploi énorme d’explosifs et de produits chimiques qui contribuent au réchauffement global.
Les estimations sont très conservatrices car il est difficile d’évaluer correctement l’utilisation du combustible pour le transport des troupes et de marchandises.
Nous sommes convaincus que l’enquête que nous sommes en train de réaliser nous montrera une plus grande quantité d’émissions.
Le rapport complet sera présenté cette même année. (Nikki Reisch et Steve Kretzmann, globalizate.org)
Gramma





1 Médias et Manipulation de l’opinion / Vidéos
Ndlr : PS : la publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information

Marc

1-1 La fabrique du virtualisme

L’immense article du New York Times du 20 avril, de David Barstow, est une remarquable “brique” de journalisme. Les détails sont considérables, nombreux, incontestables. Le journaliste qui a écrit la chose a réuni plus de 800 documents qui soutiennent ses allégations. L’article nous décrit l’organisation et le fonctionnement d’une “armée” de commentateurs et “consultants” des grands réseaux (surtout TV) d’information aux USA, pour l’essentiel d’anciens militaires (anciens généraux, anciens amiraux, parés du prestige de leur soi-disant expertise). Ils s'occupèrent, à partir de 2002, en marge de la guerre en Irak et à son propos, de répandre une parole “indépendante” favorable à la politique du Pentagone. Les réseaux et chaînes qui les engagèrent savaient ou ne savaient pas, ou bien s’en doutaient un peu, ou bien ne s'en faisaient pas trop à ce propos, etc.

Certains observent le sérieux et la puissance, ainsi que la variété du travail accompli par Barstow. (Cas de Gregg Mitchell, de Editor & Publisher, le 20 avril.) D’autres sont moins impressionnés. Ils notent que des articles, dès 2003 par exemple, mettaient en évidence combien ces “généraux” de réserve étaient des relais du Pentagone. C’est le cas de Glenn Greenwald, dans Salon.com, le 20 avril également.

A l’égard de l’“information officielle” et de tout ce qui peut en émaner, – notamment ces “consultants”, ex-généraux et autres, dont le titre de gloire est d’être régulièrement “informé” par le Pentagone, – nous-mêmes, dès 2002 (article de janvier 2002 de notre Lettre d’Analyse dedefensa & eurostratégie mise en ligne le 13 mars 2003), mettions en évidence notre volonté de prendre une distance décisive. Nous lui assignions, dans nos conceptions, un rôle d’acteur de l’information parmi d’autres, et même nécessairement plus suspect que bien d’autres. Ce que nous constations, en un sens, c’était l’acte de décès de la prétention à l’information objective (apparence dont se paraît l'information officielle) durant les événements qui sont le sujet de cette information. Donc, de ce point de vue, l’information soi-disant objective n’existe plus; c’est un progrès, parce que la prétenion à l’information objective, dans l’ère de la communication, est une tromperie. Nous baptisons notre époque “l’ère psychopolitique” (plutôt que “l’ère de la communication” par exemple) parce que, notamment pour le propos qui nous intéresse, l’information aujourd’hui dépend de notre psychologie comme outil de notre jugement, – parce que l’information dépend de notre jugement bien plus que de sa soi-disant existence objective.

Mais l’article du NYT est tout de même, sous d’autres aspects, d’un très grand intérêt. Nous y distinguions deux raisons, – la première que nous mentionnons en passant, sans nous y arrêter, – la seconde, qui fera le miel de notre commentaire.

• La première raison, c’est que cet article, par sa masse, ses détails, son effet général, est une bonne piqure de rappel pour les mémoires courtes ou les esprits étroits. Plus encore, il importe plus aujourd’hui en 2008 que ce qu’on disait déjà en 2003, parce qu’en 2008 la résistance à cette évidence de la non-existence d’une information officielle et de son remplacement par une cuisine élaborée pour nous fabriquer de l’information en fast food conformiste est beaucoup plus faible. D’où l’efficacité de la chose. Au-delà, rien de nouveau et rien de plus à dire.

• La seconde raison, c’est, qu’au travers des détails, des déclarations, etc., nous est montrée une “réalité” que nous soupçonnons depuis longtemps. Sa confirmation par la description est une chose bienvenue. Cette réalité, c’est la fabrication de la (d’une) réalité virtualiste. Le titre de cet article du NYT devrait être effectivement “la fabrique du virtualisme”.

Nous donnons ci-après deux extraits qui illustre en (petite) partie ce que nous voulons dire…

D’abord, un long extrait décrivant la constitution d’une équipe de 75 “consutants” qui vont essaimer sur les grandes chaînes de TV, faire des articles, répondre à des interviews, etc.

«But these were trifling compared with what Ms. Clarke’s team had in mind. Don Meyer, an aide to Ms. Clarke, said a strategic decision was made in 2002 to make the analysts the main focus of the public relations push to construct a case for war. Journalists were secondary. “We didn’t want to rely on them to be our primary vehicle to get information out,” Mr. Meyer said.

»The Pentagon’s regular press office would be kept separate from the military analysts. The analysts would instead be catered to by a small group of political appointees, with the point person being Brent T. Krueger, another senior aide to Ms. Clarke. The decision recalled other administration tactics that subverted traditional journalism. Federal agencies, for example, have paid columnists to write favorably about the administration. They have distributed to local TV stations hundreds of fake news segments with fawning accounts of administration accomplishments. The Pentagon itself has made covert payments to Iraqi newspapers to publish coalition propaganda.

»Rather than complain about the “media filter,” each of these techniques simply converted the filter into an amplifier. This time, Mr. Krueger said, the military analysts would in effect be “writing the op-ed” for the war.

»From the start, interviews show, the White House took a keen interest in which analysts had been identified by the Pentagon, requesting lists of potential recruits, and suggesting names. Ms. Clarke’s team wrote summaries describing their backgrounds, business affiliations and where they stood on the war.

»“Rumsfeld ultimately cleared off on all invitees,” said Mr. Krueger, who left the Pentagon in 2004. (Through a spokesman, Mr. Rumsfeld declined to comment for this article.)

»Over time, the Pentagon recruited more than 75 retired officers, although some participated only briefly or sporadically. The largest contingent was affiliated with Fox News, followed by NBC and CNN, the other networks with 24-hour cable outlets. But analysts from CBS and ABC were included, too. Some recruits, though not on any network payroll, were influential in other ways — either because they were sought out by radio hosts, or because they often published op-ed articles or were quoted in magazines, Web sites and newspapers. At least nine of them have written op-ed articles for The Times.

»The group was heavily represented by men involved in the business of helping companies win military contracts. Several held senior positions with contractors that gave them direct responsibility for winning new Pentagon business. James Marks, a retired Army general and analyst for CNN from 2004 to 2007, pursued military and intelligence contracts as a senior executive with McNeil Technologies. Still others held board positions with military firms that gave them responsibility for government business. General McInerney, the Fox analyst, for example, sits on the boards of several military contractors, including Nortel Government Solutions, a supplier of communication networks.

»Several were defense industry lobbyists, such as Dr. McCausland, who works at Buchanan Ingersoll & Rooney, a major lobbying firm where he is director of a national security team that represents several military contractors. “We offer clients access to key decision makers,” Dr. McCausland’s team promised on the firm’s Web site.

»Dr. McCausland was not the only analyst making this pledge. Another was Joseph W. Ralston, a retired Air Force general. Soon after signing on with CBS, General Ralston was named vice chairman of the Cohen Group, a consulting firm headed by a former defense secretary, William Cohen, himself now a “world affairs” analyst for CNN. “The Cohen Group knows that getting to ‘yes’ in the aerospace and defense market — whether in the United States or abroad — requires that companies have a thorough, up-to-date understanding of the thinking of government decision makers,” the company tells prospective clients on its Web site.

»There were also ideological ties. Two of NBC’s most prominent analysts, Barry R. McCaffrey and the late Wayne A. Downing, were on the advisory board of the Committee for the Liberation of Iraq, an advocacy group created with White House encouragement in 2002 to help make the case for ousting Saddam Hussein. Both men also had their own consulting firms and sat on the boards of major military contractors…»

Plus loin, on nous décrit le voyage en Irak d’une équipe d’analystes et de consultants du même type, exactement comme feraient des journalistes “normaux”.

«By summer [2003], though, the first signs of the insurgency had emerged. Reports from journalists based in Baghdad were increasingly suffused with the imagery of mayhem.

»The Pentagon did not have to search far for a counterweight.

»It was time, an internal Pentagon strategy memorandum urged, to “re-energize surrogates and message-force multipliers,” starting with the military analysts.

»The memorandum led to a proposal to take analysts on a tour of Iraq in September 2003, timed to help overcome the sticker shock from Mr. Bush’s request for $87 billion in emergency war financing.

»The group included four analysts from Fox News, one each from CNN and ABC, and several research-group luminaries whose opinion articles appear regularly in the nation’s op-ed pages.

»The trip invitation promised a look at “the real situation on the ground in Iraq.”

»The situation, as described in scores of books, was deteriorating. L. Paul Bremer III, then the American viceroy in Iraq, wrote in his memoir, “My Year in Iraq,” that he had privately warned the White House that the United States had “about half the number of soldiers we needed here.”

» “We’re up against a growing and sophisticated threat,” Mr. Bremer recalled telling the president during a private White House dinner.

»That dinner took place on Sept. 24, while the analysts were touring Iraq.

»Yet these harsh realities were elided, or flatly contradicted, during the official presentations for the analysts, records show. The itinerary, scripted to the minute, featured brief visits to a model school, a few refurbished government buildings, a center for women’s rights, a mass grave and even the gardens of Babylon.

»Mostly the analysts attended briefings. These sessions, records show, spooled out an alternative narrative, depicting an Iraq bursting with political and economic energy, its security forces blossoming. On the crucial question of troop levels, the briefings echoed the White House line: No reinforcements were needed. The “growing and sophisticated threat” described by Mr. Bremer was instead depicted as degraded, isolated and on the run.

»“We’re winning,” a briefing document proclaimed.»

Mensonge? Propagande? Ces mots n’ont pas cours avec le virtualisme

La description qui transparaît au travers de ce très long article est d’un grand intérêt, étonnante d’une certaine façon, révélatrice dans tous les cas. On découvre la technique de l’établissement du virtualisme, qui est une véritable technique systémique. En même temps, on en approche la substance.

D’une part, cet article constitue une dénonciation sans ambage ni dissimulation d’une technique de transformation de la réalité (plus que de “dissimulation”), en même temps que sa description dans toute sa crudité, dans tous ses aspects techniques. On ne peut se tromper sur ce qui nous est présenté. On ne peut soupçonner l’auteur de vouloir dissimuler qu’il s’agit d’une action de tromperie sur une très grande échelle. D’autre part, il n’y a nulle part le véritable constat de la dénonciation.

En effet, où peut-on voir les mots qui dénoncent la “tromperie”? Nous avons fait un décompte attentif. L’article compte 46.863 signes (7.589 mots). C’est l’équivalent d’un gros communiqué de l’OTAN à Bucarest, ou de 32-33 de nos vieilles pages du bon temps de la dactylographie par machine à écrire. Ce n’est pas rien, c’est même énorme. Sur ce volume, pas une seule fois n’apparaît le mot “mensonge” (“lie” ou “lies”). On note trois fois l’emploi du mot “propaganda”, dont une fois seulement employé dans le contexte pour illustrer l’opération décrite, et encore d’une façon qui tend à dénier l’appréciation qu’on puisse qualifier cette opération de propagande.

Les trois emplois sont les suivants:

• «A few expressed regret for participating in what they regarded as an effort to dupe the American public with propaganda dressed as independent military analysis.» (Rapport avec l’opération, pour la décrire comme une opération de “propagande” mais nous signifiant que fort peu parmi les participants à cette opération regrettent d’y avoir participé, en tant qu’il s’agirait éventuellement d’un effort pour “duper le public américain avec de la propagande…”)

• «The Pentagon’s regular press office would be kept separate from the military analysts.[…] The decision recalled other administration tactics that subverted traditional journalism.[…] The Pentagon itself has made covert payments to Iraqi newspapers to publish coalition propaganda.» (Emploi du mot pour une autre opération que celle qui est décrite, et qui concerne, – il faut le noter vertueusement, – non des journaux US mais des journaux irakiens. Une opération d’une catégorie en-dessous, comme les Irakiens eux-mêmes selon la vision du Pentagone…)

• «This was a major theme, for example, with Paul E. Vallely, a Fox News analyst from 2001 to 2007. A retired Army general who had specialized in psychological warfare, Mr. Vallely co-authored a paper in 1980 that accused American news organizations of failing to defend the nation from “enemy” propaganda during Vietnam.» (Cette fois, le mot est employé à contre-emploi, par analogie historique. Ce sont les journaux en général, non informés ou non manœuvrés par le Pentagone du temps du Vietnam, qui sont accusés d’avoir fait de la propagande.)

Dans le contexte général que nous savons, où cet article ne dissimule rien de l’opération du Pentagone mais où l’auteur restitue tout de même l’état psychologique des “coupables” (tous les “consultants“ et autres qu’il a interrogés), nous pouvons avancer l’hypothèse que ce qui nous est offert est un exemple massif et détaillé de fabrication du virtualisme. A aucun moment n’apparaît de manière significative une notion morale de responsabilité, ni de conscience de la dissimulation de la réalité (“mensonge”). On n’a aucunement l’impression, dans le chef de ceux qui la font, d’une opération d’“intoxication” consciente de ce qu’elle est et de ce qu’elle fait. Le sentiment “globalement” général est la bonne foi, avec toutes les vertus qui vont avec. On y trouve même les briefings-bidon lors de voyages arrangés en Irak, dont tout le monde admet qu’il s’agit de briefings-bidon mais dont il ne ressort rien de ce soupçon sur le compte-rendu qu’on fait en rentrant aux USA. Il s'agit bien là, cette absence de conscience de la tromperie et cette croyance “globale” à la fausse réalité qu'on décrit, de la caractéristique du virtualisme.

Au-delà, nous donnerions comme explication psychologique de l’acceptation du processus que tous ces hommes défendent une conception, leur propre perception de la vie (celle de militaires, de généraux), et s’ils déforment complètement la réalité c’est parce que “leur” réalité est à la fois plus importante à leurs yeux et plus “réelle” que la “vraie réalité”, et qu'ils la vivent de la sorte, sans machination. Dans ce cas, une fausse “réalité” vécue si intensément n’est-elle pas plus vraie que la soi-disant “vraie réalité”? (Ils pourraient d’ailleurs, s'ils acceptaient la mise en cause de leur “réalité”, nous rétorquer: “pourquoi notre ‘réalité’ ne serait-elle pas plus ‘réelle’ que la vôtre?”, – et, en vérité (?), nous n’aurions rien à répondre qui leur clouât le bec à jamais. Mais ils ne poseront pas cette question puisqu'ils tiennent “leur” réalité pour la réalité.)

Nous sommes au coeur du virtualisme, s’appuyant sur l’individualisme qui affaiblit dramatiquement les défenses de l’individu contre la corruption psychologique, dans un système qui n’a pas de références régaliennes mais des références partisanes (parmi lesquelles le “patriotisme”, interprétée comme la “réalité”: à chacun son “patriotisme”). Le groupe constitué pour cette opération est évidemment caractérisé par son appartenance à un groupe plus vaste, caractérisé comme un “groupe d’intérêt”, qui devrait même être caractérisé comme un “groupe de perception” (dans ce cas, le Pentagone, l’armée, etc., avec leur propre “réalité”). D’ailleurs, comme le montre l’un des extraits, ils se battent aussi bien contre un Bremer, qui représente le State department (autre “groupe de perception”), que contre les journalistes qui écrivent que la situation est mauvaise. L’argent, le corruption vénale, ne jouent qu’un rôle accessoire, même si ce rôle accessoire est souvent confortable, voire plantureux (la plupart des “consultants” sont souvent employés par des sociétés du complexe militaro-industriel et attentifs à favoriser des contrats). Il s’agit à 95% d’une corruption psychologique. Dans le chef de ceux qui l’organisent et qui exécutent cette opération, il n’y a pas de complot au sens subjectif (alors que c’est un complot si l’on considère l’opération d’un point de vue objectif) mais une “opération” au sens militaire du terme, et évidemment pour la bonne cause, – cela va sans dire, à un point tel qu’il n’est pas nécessaire de dire.

Il y a une technique, également, dans le processus. A notre sens, elle s’est imposée de façon naturelle, sans machination quelconque, comme une sorte d’auto-défense de tous les participants (ceux qui conçoivent l’opération, ceux qui la montent, ceux qui l’exécutent, de Rumsfeld aux généraux-consultants) pour éviter l’embarras d’une interrogation morale. Cette technique naturelle est de scinder la circulation de l’“information”, de la cloisonner en quelque sorte en évitant toute confrontation sérieuse avec le réel d'une façon globale, de la faire circuler d’étage en étage, de strate en strate, de groupe en groupe, et plus encore de psychologie en psychologie, de façon à renforcer à mesure le crédit de cette information dans l’esprit de ceux qui la véhiculent (puisqu'elle provient de leur système, dans lesquels ils ont professionnellement confiance), jusqu’à la faire paraître vraie à leurs propres yeux. Chacun à son niveau finit par la considérer comme vraie. Il s’agit bien de “crédit” («confiance qu’inspire quelqu’un ou quelque chose», – phénomène naturel), bien plus que de “crédibilité” («Ce qui faut qu’une chose mérite d’être crue», – ce qui peut être un montage). Les constats qu’on peut faire, qui vont dans le sens inverse, sont éliminés comme accidentels ou de peu de signification.

Au départ, le “mensonge” l’est si indirectement que le mot n’a pas cours, qu’il n’est pas dans les esprits. Il s’agit de “défendre” le système (le Pentagon) contre des attaques qui mettent en péril son intégrité, son équilibre, son efficcacité. Accessoirement, on découvre qu’il s’agit des nouvelles de la guerres. Une catégorie (le journalisme courant) la dépeint sous des “couleurs” trop sombres. Il s’agit d’une querelle de peintre, si l’on veut; les critiques du DoD et de la guerre sont des impressionnistes anti-guerre, qui laissent parler leur mauvais esprit. Comme on sait, l’impressionnisme déforme la réalité. Contre cela, le Pentagone doit répondre par un strict réalisme, qui est évidemment pro-guerre… Où y a-t-il mensonge? Le vrai sujet est la défense du Pentagone, pas vraiment la guerre… Le vrai cadre est complètement virtualiste. Il s’agit de protéger le Pentagone, son mode de vie, sa philosophie, contre les attaques des barbares que l’Amérique recèle malheureusement en grand nombre (les journalistes dissidents, les pseudo-gauchistes anti-militaristes, les idéologues du repli ou de l’isolationnisme, les amis passés à l’ennemi, – c’est-à-dire les ex-militaires consultants qui ne prennent pas leur consigne au bureau du secrétaire à la défense).

Un dernier constat, plein d’une joyeuse almacrité. Le fait est que, malgré des efforts de cette envergure (et il y en eut d’autres), ces braves ou ces pauvres gens n’ont pas pu arrêter la réalité. Ils l’ont même multipliée dans ses effets; le “message-multiplier”, nom donné au Pentagone à la technique, a des retours de flamme lorsque la lumière éclaire bruyamment la vessie qu’on a essayée de vous faire prendre pour une lanterne. Le fait est qu’aujourd’hui, aux USA, la guerre en Irak est sans doute la plus impopulaire de toutes les guerres qu’ont fait les USA, et qu’elle est en train de casser les reins du système. Résultat net de l’opération?

Date de publication : 22/04/2008 - Rubrique : Faits et commentaires

http://www.dedefensa.org/

Euredit S.P.R.L


Second article :

Richard Hétu : Comment manipuler l'info sur la guerre.

Après avoir lu ce long reportage du New York Times, vous n’écouterez plus de la même façon les militaires retraités qui défilent à la télévision américaine pour expliquer ce qui se passe en Irak, en Afghanistan ou à Guantanamo.

La plupart d’entre eux travaillent pour des sociétés qui ont des contrats avec le Pentagone, un fait qui est rarement dévoilé aux téléspectateurs.

S’appuyant sur des entrevues et quelque 8000 pages de documents, le Times affirme que l’administration Bush a transformé ces analystes en cheval de Troie médiatique, les invitant à assister à des séances d’information sur la guerre avec des officiels du Pentagone qui ont une influence directe sur l’attribution des contrats militaires.

Selon certains analystes militaires, ces séances d’information ne sont rien d’autre que des exercices de propagande. Je cite dans le texte un ancien Green Beret qui a servi d’analyste sur la chaîne Fox :

“It was them saying, ‘We need to stick our hands up your back and move your mouth for you.’

Richard Hétu
Journaliste à Cyberpresse

Son blog
Sources Blog Richard Hétu



Troisiéme article :

Le Monde : Comment l'administration américaine façonne l'information de l'intérieur

C'est un article fleuve, de ceux que sait produire la presse américaine, une investigation fouillée, qui s'appuie sur l'examen de 8 000 pages de documentation.

Le New York Times dénonce dans son édition du 20 avril les liens coupables entre les experts militaires employés par de nombreux médias américains et le Pentagone. Sur le site Internet du journal, les visages de ces analystes font la une, sous la mention "message machine".

L'article s'ouvre sur un voyage organisé à Guantanamo par l'administration Bush pour quelques uns de ces experts militaires.

Chahuté par le scandale de "ce goulag des temps modernes" (expression d'Amnesty International), le gouvernement américain profite de ce voyage à bord de l'avion utilisé normalement par le vice-président pour faire valoir sa position auprès de ces anciens officiers devenus des relais d'opinion.

Il ne s'agit là que d'un exemple.

Pour décrypter ces relations dangereuses entre consultants médiatiques et pouvoir, le journal a obtenu devant la justice que lui soient communiqués toute une série de courriels, transcriptions et documents.

A la lecture de ceux-ci, le journal conclut à l'existence de "relations symbiotiques" qui outrepasse la ligne de partage qui doit séparer les journalistes et le gouvernement.

"transformer les analystes en une sorte de cheval de Troie médiatique,

Des documents du Pentagone qualifient ces consultants d'"auxiliaires" chargés de "multiplier la force du message" et de diffuser les "thèmes et messages" de l'administration, en les faisant passer pour "leurs propres opinions". Ces liens sont souvent aussi très concrets : la plupart de ces commentateurs travaillent parallèlement pour des entreprises en contrat avec le département de la défense, sans toujours le révéler aux médias qui les emploie. Pour ces hommes, un voyage tel que celui organisé fin 2003 en Irak est aussi une opportunité rare d'entrer en contact avec ceux qui décident des achats militaires.

Le Times explique que le système s'est mis en place tandis que se préparait la guerre en Irak et n'a pas cessé de fonctionner depuis. Avec une seul objectif : "transformer les analystes en une sorte de cheval de Troie médiatique, un instrument destiné à façonner le traitement du terrorisme de l'intérieur des grands réseaux de radio et de télévision".

Interrogé par le journal, le Pentagone a défendu son travail avec ces consultants, en affirmant ne leur avoir toujours fourni que des informations exactes. Pour le porte-parole du DoD Bryan Whitman, "l'intention et le but n'est rien d'autre qu'une tentative sérieuse d'informer le peuple américain". Il ajoute qu'il serait "assez incroyable" de penser que des officiers à la retraite pourraient être utilisés "comme des marionnettes par le département de la Défense".
Sources Le Monde
20 avril 2008
Posté par Adriana Evangelizt






2 Les Brèves
Ndlr : la publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information

2-1 Contrôler la formation de militaires étrangers…

La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, et le secrétaire à la guerre Gates, ont demandé mardi au Congrès américain de débloquer 750 millions de dollars pour l'année fiscale 2008-09, au titre de la formation et l'armement de militaires étrangers.

Si cette proposition est approuvée, le Pentagone exercera un contrôle direct sur des programmes jusque là dirigés par le département d'Etat, et certain élus se sont inquiétés du rôle croissant de l'armée dans des domaines traditionnellement réservés aux diplomates.

En échange, le ministère américain de la Défense transfèrerait 200 millions de dollars de son budget vers celui des Affaires étrangères pour financer une force de réaction civile qui assisterait les militaires dans les opérations de "stabilisation" après des conflits.

"Nous apportons notre plein soutien à cette proposition", a déclaré la chef de la diplomatie américaine, rappelant que c'était grâce à une aide militaire d'urgence des Etats-Unis --obtenue à l'aide d'un programme temporaire-- que l'armée libanaise a vaincu l'an dernier des insurgés dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr el-Bared.

"Je voudrais souligner que cela ne remplacera pas un financement plus substantiel de l'aide militaire à l'étranger. Mais nous sommes très favorables" à la reconduction du programme temporaire, a ajouté Mme Rice, qui témoignait au côté de M. Gates devant la commission des Forces armées de la chambre des Représentants.

Pour sa part, le secrétaire à la Défense a souligné que le programme de formation et d'armement de militaires étrangers représentait "une obligation vitale et récurrente de l'armée américaine, quelle que soit la capacité des autres ministères, et (que) le contrôle exercé (par le Pentagone) et son financement devraient refléter cette réalité".

Le président de la commission, le représentant démocrate du Missouri Ike Shelton, a indiqué que la proposition avait obtenu un large soutien au Congrès. "Nous sommes cependant un peu inquiets", a-t-il ajouté. "Il semble qu'il y ait un transfert de certaines activités du département d'Etat vers le département de la Défense".

Contrairement à son prédécesseur Donald Rumsfeld, dont les relations avec Mme Rice étaient notoirement tendues, M. Gates s'est alors révélé un ardent défenseur des besoins financiers des diplomates.

"Le département d'Etat n'a ni l'autorité, ni les ressources, ni le pouvoir de jouer le rôle de principal ministère en charge de la politique étrangère américaine", a regretté M. Gates. "Et cela fait des décennies que le Congrès refuse de donner au département d'Etat les ressources, le personnel et l'autorité dont il a besoin pour jouer décemment son rôle dans la politique étrangère américaine".

"Le budget annuel du département d'Etat est de 34 milliards de dollars", a-t-il poursuivi. "C'est moins que ce que le département de la Défense dépense chaque année en soins médicaux".

Mme Rice avait déjà présenté son projet de force de réaction civile lors de la présentation du budget 2008-09, qui débute en octobre. Elle l'avait décrit comme un "corps expéditionnaire" qui sera dirigé par des diplomates expérimentés et déployé "dans les 48 heures" dans les pays en crise après un conflit.

(Source : AFP / 15 avril 2008)



2-2 L’artiste égyptien Mahmoud Yassin met l’accent sur les efforts que déploie la Syrie pour aider les réfugiés Irakiens sur son territoire.
L’artiste égyptien Mahmoud Yassin, ambassadeur du Programme alimentaire mondial /PAM/ pour la lutte contre la faim, a mis l’accent sur les grands efforts qu’a déployé
la Syrie pour accueillir environ un million et demi réfugiés irakiens sur son territoire "la chose qui pèse lourd sur son économie". Dans une conférence de presse qu'il a tenue aujourd'hui après sa rencontre avec les familles irakiennes à /al-Saïda Zaynab/ à la campagne de Damas, L'artiste égyptien a appelé la communauté internationale et les donateurs à accorder des dons urgents pour que le /PAM/ puisse assurer les assistances alimentaires aux réfugiés irakiens en Syrie.
M.Yassin a rejeté sur les Etats-Unis la pleine responsabilité de la pauvreté et de la faim dont souffrent les Irakiens à l'intérieur et à l'extérieur de l'Irak.

Notons que l'artiste égyptien est devenu en 2004 un ambassadeur du PAM pour la lutte contre la faim.

R.Jorf - Sana-15-04


2-3 Brèves de brèves

Impunité sélective - Julie Karpova, bouclier humain en Irak, au moment de l’invasion US en 2003, est poursuivie par le Département du Trésor US, (le Service de Contrôle des Avoirs Etrangers- OFAC) pour avoir soutenu l’économie irakienne d’avant-guerre… en dépensant quelques dollars pour se nourrir, brisant par là le scandaleux embargo imposé à ce pays pendant douze ans.

L’administration US a une politique d’impunité sélective: Bremer, par exemple, n’a de compte à rendre à personne parce que l’Autorité Provisoire de Coalition ne constituait pas un organisme du gouvernement américain. Les mercenaires commettent les pires atrocités mais ne tombent sous le coup ni de l’appareil militaire, ni de la loi civile, ni même de la loi irakienne impuissante. Privée de toute procédure impartiale, Karpova s’est vu contrainte d’en appeler directement à la Cour Suprême.

La question de Kirkouk et les Turcomans - Le 2 février 2008, l’Union Islamique des Turcomans d’Irak a organisé un atelier à Bagdad sur la question de Kirkouk centrée sur quatre grands thèmes : l’article 140 de la Constitution instituant un référendum sur Kirkouk ; le projet pour résoudre cette question, les bases turcomanes de ce projet, notamment l’origine turcomane de Kirkouk, ses faits et preuves, l’importance de cette ville et province pour définir les relations ente les Turcomans et les autres Irakiens, ainsi que le processus démocratique en Irak ; les mécanismes et les plans pour présenter la question turcomane, particulièrement sur le plan international avec le rapport de Baker-Hamilton.

Pétrole : que restera-t-il aux Irakiens ? - Deux nouveaux champs pétrolifères en Irak vont être offerts à l’exploration des compagnies pétrolières dans les régions de Kirkouk dans le nord et Rumaila dans le sud, champs qui comptent parmi les dix champs « super » géants. L’introduction de la technique sismique en trois D permettra de mieux appréhender la formation géologique et donc la présence de pétrole. Par ailleurs, BP, Chevron, Exxon et Shell ont signé des contrats pour augmenter de 500 000 barils par jour la production de pétrole actuellement de 2,4 millions b/j, respectivement dans la région de Qurna, Zubair, Rumaila dans le sud et Missan et Kirkouk dans le nord.

Source: Associated Press, www.iht.com/bin/

Gang pro-iranien - Selon Al-Hayat (4/4/08), Yusuf Sanawi, chef Tha'r Allah - La Vengeance de Dieu, milice liée aux services secrets iraniens - aurait été arrêté à Bassora. Il s’est illustré dans le sud, depuis 2004, en massacrant tout Irakien suspecté de baasisme et en poussant à l’exode les sunnites et les derniers chrétiens et mandéens de la ville.

Espionnage et désinformation - Douglas Feith, ancien sous secrétaire d’Etat américain à la Défense, qui dirigeait le Bureau des Projets Spéciaux, auteur des rapports accusant Saddam Hussein de liens avec Al-Qaïda, a déclaré le 30 mars sur CBS (60 minutes) que la décision d’agresser l’Irak avait été prise pour prévenir une attaque terroriste irakienne contre les Etats-Unis… Feith, a dû démissionner de son poste en janvier 2005. Il est soupçonné d’espionnage au profit d’Israël.

http://rawstory.com/news/2008/Feith_Iraq_war_was_to_prevent_0404.html

http://www.cbsnews.com/stories/2008/04/03/60minutes/main3992653.shtml

Iran : augmentation des exportations non-pétrolières vers l’Irak - Le passage de Méhran entre l’Iran et l’Irak a enregistré une augmentation de 35% des marchandises en provenance de l’Iran au cours de l’an dernier soit une valeur de 234 millions de dollars en augmentation de 61 millions par rapport à l’année précédente.

Justice à l’américaine - Alaa « Alex » Mohamed Ali, possédant la double nationalité irakienne et canadienne et travaillant pour l’armée US en Irak comme interprète va être traduit devant la justice militaire US, une première depuis la guerre du Vietnam.

Le Congrès a en effet, confié aux militaires US le soin de poursuivre les civils ayant commis des crimes en Irak. Alex est accusé d’avoir poignardé un autre « contractor » au cours d’une bagarre, le 23 février, dans une base, près de Hit, dans la province d’Anbar.

A quand le jugement des « contractors » US pour des crimes sur des Irakiens ?

On est en droit d’en douter suite à l’annonce que le Département d’Etat vient de renouveler le contrat de la compagnie de sécurité, Blackwater, pour la protection des ses diplomates en Irak, pour une année, malgré l’incident du 16 septembre dernier, au cours duquel elle a tué 17 civils irakiens alors qu’elle escortait un diplomate américain à travers Bagdad. Le gouvernement irakien considère cet incident comme un crime mais le FBI n’ayant pas terminé son enquête (!), il n’y avait aucune raison de mettre Blackwater de côté…..

Rédaction et traduction : Gilles Munier, Xavière Jardez




3 Dossier & Point de vue

Ndlr : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information

3-1 Point de vue de DeDefensa : La “guerre majeure” implique la “débâcle majeure”

Un rapport d'un Institut dépendant du Pentagone décrit la guerre US en Irak comme une “débacle majeure”. Il donne l'occasion d'avancer encore dans la définition de la G4G.

Un jugement particulièrement sévère sur la guerre en Irak est donné par un rapport d’un institut dépendant du Pentagone, l’INSS (Institute for National Strategic Studies), dépendant lui-même de la National Defense University qui est l'université nationale du Pentagone. Daté d’avril 2008 et rédigé par Joseph J. Collins, le rapport est disponible sur le site de l’INSS.

Jonathan S. Landay and John Walcott, de McClatchy Newspapers, signalent le 17 avril la publication de ce rapport avec l’appréciation suivante, pour en situer l’importance: «The report carries considerable weight because it was written by Joseph Collins, a former senior Pentagon official, and was based in part on interviews with other former senior defense and intelligence officials who played roles in prewar preparations.»

L’essentiel du jugement que porte ce rapport sur la guerre en Irak se trouve résumé dans les deux premiers paragraphes du texte d’introduction:

«Measured in blood and treasure, the war in Iraq has achieved the status of a major war and a major debacle. As of fall 2007, this conflict has cost the United States over 3,800 dead and over 28,000 wounded. Allied casualties accounted for another 300 dead. Iraqi civilian deaths—mostly at the hands of other Iraqis—may number as high as 82,000. Over 7,500 Iraqi soldiers and police officers have also been killed. Fifteen percent of the Iraqi population has become refugees or displaced persons. The Congressional Research Service estimates that the United States now spends over $10 billion per month on the war, and that the total, direct U.S. costs from March 2003 to July 2007 have exceeded $450 billion, all of which has been covered by deficit spending.1 No one as yet has calculated the costs of long-term veterans’ benefits or the total impact on Service personnel and materiel.

»The war’s political impact also has been great. Globally, U.S. standing among friends and allies has fallen.2 Our status as a moral leader has been damaged by the war, the subsequent occupation of a Muslim nation, and various issues concerning the treatment of detainees. At the same time, operations in Iraq have had a negative impact on all other efforts in the war on terror, which must bow to the priority of Iraq when it comes to manpower, materiel, and the attention of decisionmakers. Our Armed Forces— especially the Army and Marine Corps—have been severely strained by the war in Iraq. Compounding all of these problems, our efforts there were designed to enhance U.S. national security, but they have become, at least temporarily, an incubator for terrorism and have emboldened Iran to expand its influence throughout the Middle East.»

Le rapport n’apporte pas de grande nouveautés factuelles et importe essentiellement par son jugement général sur l’ensemble de cette guerre, ses effets, la perception qu’on en a, les conséquences qu’elle entraîne. Il est basé sur des chiffres officiels et accepte la plupart des appréciations officielles sur le déroulement de la guerre. Il accepte notamment la thèse que le “surge” lancé début 2007 est un succès, ce qui est de plus en plus largement contesté, et avec bien des arguments: «Despite impressive progress in security, the outcome of the war is in doubt. [...] For many analysts (including this one), Iraq remains a “must win,” but for many others, despite obvious progress under General David Petraeus and the surge, it now looks like a “can't win.”»

Les chiffres des pertes, notamment civiles, reprennent les estimations officielles. Le calcul du coût de la guerre s’en tient aux budgets demandés par l’administration au Congrès. (Aucune référence, par exemple, aux estimations de Stiglitz-Blimes.) Enfin, comme on le voit mentionné ci-dessus, l’auteur du rapport partage la thèse officielle selon laquelle la guerre pourrait encore être gagnée, – ce qui relève d'une certaine contradiction avec le jugement général.

Ces remarques rendent évidemment d’autant plus frappant le diagnostic posé. Qu’il émane d’un organisme du Pentagone n’a rien pour étonner (l’INSS est d’ailleurs connue pour sa liberté de jugement). On a, du point de vue structurel, un exemple de plus de la parcellisation des pouvoirs et des groupes d’intérêt, bureaucratiques ou autres, aux USA. Au reste, l’INSS ne fait là qu’exprimer un sentiment désormais notablement répandu au Petagone, où la guerre d’Irak, la “guerre de Rumsfeld”, n’a jamais été très populaire. La distance séparant la “narrative” officielle et le jugement posé même par des milieux qui ne sont a priori pas défavorable à une politique de sécurité nationale offensive, à laquelle cette guerre prétend se référer, est très grande et très significative.

La “splendide petite guerre” que voilà

L’expression vaut son pesant d’or (souligné en gras, l’expression qui nous séduit, dans la première phrase du rapport): «Measured in blood and treasure, the war in Iraq has achieved the status of a major war and a major debacle.» L’appréciation va plus loin que la simple notation anecdotique. Elle constitue une notation révolutionnaire. Elle nous donne une précieuse indication de plus, dans notre entreprise de redéfinition de la guerre dans notre époque postmoderne.

On a souvent fait l’exercice de considérer, avant le début du conflit, les forces en présence pour observer l’extraordinaire disproportion entre la puissance des USA et la faiblesse de l’Irak, non seulement par ses données objectives, mais par l’accablement d’un pays (l’Irak) soumis à des contraintes terribles depuis sa défaite de 1991. Ce devait être une petite guerre, une “chouette petite guerre”, une “splendide petite guerre”. L’analogie était souvent faite de ce point de vue de l’évaluation qu’on qualifierait de “publicitaire”, avant le déclenchement des opérations, entre la guerre en Irak et la guerre contre l’Espagne avec l’invasion de Cuba par les USA en 1898. Cette guerre de 1898 fut qualifiée de l’expression fameuse de «splendid little war» à cause du peu de risque militaire, de la dimension limitée du conflit, de la faiblesse de l’adversaire (l’Espagne), de la fabrication d’une cause “juste” assurant le bon esprit de l’aventure, de l’assurance d’une victoire éclatante avec des effets politique d’affirmation de puissance. Le contrat fut rempli à Cuba et les USA frappèrent ainsi les trois coups de leur vocation de puissance mondiale hégémonique. Ils s’étaient bien gardés, bien entendu, de donner à la «splendid little war» un «status of a major war». Pas si bête, c’est-à-dire pas imprudent du tout.

Le constat irakien que nous ferions à la lumière de ces remarques est de trois ordres:

• Par leur présentation de la guerre, par leur conceptualisation idéologique de la guerre, par leurs habitudes logistiques (immense rassemblement de matériels, transféré sur un laps de temps important), par leur façon de mener la guerre avec l’emploi massif de la puissance de feu, par l’avancement de leurs technologies qui affirment également la puissance et sont mises en vedette dans ce sens, ce sont les Américains qui ont élevé cette guerre au «status of a major war». Ce n’est pas la guerre qui est d’elle-même devenue une «major war» en devenant une «major debacle»; elle avait été élevée au rang de «major war» parce qu’on en attendait une “major victory”. Devenue ainsi, artificiellement mais sans discussion, une «major war», la débacle qui s’ensuit est une «major debacle».

• La question qu’on peut se poser est de savoir si, en effectuant cette opération de promotion de la guerre en «major war», les Américains n’ont pas renforcé, sinon suscité la résistance qui s’est ensuite affirmée; s’ils ne se sont pas rendus plus vulnérables encore en s’enfermant dans un schéma de guerre aussi spécifique et aussi insupportable, alors que le basculement dans la guérilla les précipitait soudain dans une situation où il avait déjà une vulnérabilité traditionnelle à cause de leur impréparation à cette sorte de guerre et de leur incapacité d’adaptation notoire dans cette occurrence. Nous aurions évidemment tendance à proposer une réponse positive à cette question.

• Autrement dit, la formule deviendrait: en donnant à cette guerre le «status of a major war», ils ont nécessairement ouvert la porte à leur débacle parce que la débacle est la seule issue possible dans les conditions exposées plus haut; et une débacle qui devient, tout aussi nécessairement, «a major debacle». C’est sans doute là l’un des secrets de la guerre de la 4ème génération (G4G).

La véritable “vertu” de la G4G, qui devient ainsi une vertu “anti-moderne” au sens générique du terme, n’est pas tant d’amener l’adversaire asymétrique sur le terrain de son adversaire plus faible (la guérilla dans ce cas) mais bien de le contraindre à rester sur son terrain alors que la situation devient celle de la guérilla. Dans ce cas, il s’agit de contraindre les USA à rester dans le domaine de la guerre de haute technologie, même confrontés à une guerre de guérilla de basse intensité. Mais “contraindre” n’est pas le mot qui convient, puisqu’avec les forces armées US il n’y qu’à laisser faire. Ces forces sont incapables d’évoluer sur un autre terrain que le leur (alors que les forces asymétriques type-G4G ne sont fixées sur aucun terrain particulier, comme on l’a vu avec le Hezbollah utilisant dans certains cas des hautes technologies dans sa bataille contre l’IDF israélienne en juillet-août 2006). On peut alors dire que la G4G n’a pas été créée par ceux qui la pratiquent mais qu’elle est enfantée naturellement par les forces armées US elles-mêmes, avec leur incapacité de trouver des adversaires sur le terrain qu’elles ont choisi tout en étant incapables de quitter elles-mêmes ce terrain où il n’y a personne à affronter. L’agression des forces US déclenche chez l’agressé la production d’anti-corps nommés G4G, qui évoluent à leurs propres conditions et non à celles de l’agresseur.

Bien entendu, cette description d’une situation militaire n’implique nullement que le processus soit limité au domaine militaire. Il vaut pour d’autres domaines, comme la culture notamment, certaines actions politiques, etc. Le sigle G4G doit absolument être dégagé de la réduction au seul domaine militaire et, partant, au domaine idéologique manichéen fabriqué par le virtualisme. C’est dire que la G4G n’est pas l’apanage de tel ou tel groupe à l’affreuse réputation, mais le signe d’une époque qui est en train de redéfinir les notions de force et de puissance. D’autres actes complètement étrangers au domaine doivent être considéré comme faisant partie du concept. Le résultat négatif du référendum français sur la constitution europénne en mai 2005 en fait partie, c’est une bataille de type G4G dans le cadre de la guerre en cours entre le courant déstructurant du libéralisme américaniste et le reste.

http://www.dedefensa.org/section.php?section_id=9

18 avril 2008 —



3-2 Point de vue de Juan Cole : les guerres d’Irak

Ndlr : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information

17 avril 2008

Vue de Washington, la question irakienne se réduit souvent à celle du succès ou de l’échec du « surge » à Bagdad.

Juan Cole rappelle que le pays est le théâtre de trois conflits, loin d’être résolus, qui opposent d’une part Kurdes et Arabes, d’autre part Sunnites et Chiites, et enfin Chiites nationalistes contre Chiites pro-iraniens.

Durant les auditions menées sur l’Irak par le Congrès la semaine dernière, on a entendu parler de progrès, de calendrier de retrait, du nombre des soldats blessés ou tués, mais une question a été largement ignorée : Quelle superficie de l’Irak les troupes américaines peuvent-elles vraiment espérer contrôler ?

Les responsables américains et les médias ont tendance à mettre l’accent sur l’insurrection à Bagdad et dans ses environs, mais la capitale de représente seulement qu’une petite partie de l’ensemble du problème irakien.

Lorsque les États-Unis ont renversé le régime de Saddam Hussein en 2003, ils ont déclenché une série de luttes de pouvoir à travers tout le pays.

Aujourd’hui, l’Irak est plongé dans trois guerres civiles différentes, et les troupes américaines ne sont intervenues de manière significative que dans une seule d’entre elles. Ces trois conflits ont provoqué la majeure partie des violences dans le pays, et sont couverts de façon très complète dans la presse irakienne, que je lis de près.

Le prochain président héritera de ces conflits irakiens en cours tout comme des conflits régionaux et d’une question épineuse : l’Amérique peut-elle y faire face et si oui, comment ?

Parmi toutes les opinions qui sont exprimées concernant la guerre en Irak, ce sont ces conflits que les candidats - et le pays - doivent réellement examiner.

Bassora

Les informations les plus importantes de ces deux dernières semaines sont celles en provenance de Bassora, où le gouvernement central irakien a mené une importante opération militaire contre les partisans du dignitaire religieux Moqtada Sadr. Cette campagne soudaine a surpris bon nombre d’observateurs, bien que cela n’aurait pas du être le cas : avant même les derniers combats, Bassora était déjà le théâtre d’une lutte armée pour le pouvoir opposant Moqtada Sadr et deux autres partis chiites fondamentalistes.

Bassora, qui jouxte l’Iran, est une ville cruciale pour l’économie de l’Irak. Non seulement elle produit 80% du pétrole, mais la plupart des importations et des exportations du pays transitent par cette province et son port situé sur le Golfe Persique. La région est en grande partie chiite, et ses élus aux conseils provinciaux sont divisés presque également entre les fondamentalistes du Parti de la Vertu Islamique et les fondamentalistes du Conseil Suprême de l’Irak, dirigé par le mollah pro-Iranien Abdul Aziz al-Hakim. Les deux organisations ont leurs propres milices. Tout comme Moqtada Sadr, le chef religieux nationaliste qui vit à Najaf mais jouit d’une popularité et d’une influence croissante, surtout chez les déshérités.

Les différentes factions se sont livrées des guerres répétées, pour tenter de contrôler la contrebande de l’essence et du kérosène, qui procure plusieurs milliards de dollars de revenus par an. Cette situation d’anarchie est encore aggravée par la présence des mafias tribales nées dans les clans que Saddam Hussein avait déplacés de la région des marais, et qui sont également en concurrence pour la contrebande de pétrole et le racket.

Il n’y a qu’environ 500 soldats américains dans la région de Bassora. La Grande Bretagne, qui a la responsabilité de cette zone, y déploie seulement 4 700 soldats, qui sont stationnés à l’aéroport.

Le 24 mars, le Premier ministre Nouri al-Maliki s’est rendu à Bassora pour superviser une offensive militaire visant à désarmer la milice de Moqtada Sadr, l’Armée du Mahdi.

Les chasseurs-bombardiers américains ont fourni un appui aérien tactique aux forces gouvernementales irakiennes, et quelques éléments des forces spéciales ont participé aux combats, mais les miliciens de l’Armée du Mahdi ont contre attaqué avec succès à coup de lance-roquettes antichars et par un feu intensif de ses tireurs d’élite, arrêtant net la 14e division irakienne dans sa progression. Parmi les fonctionnaires et les troupes gouvernementales, un millier au moins, voire plusieurs milliers, ont déserté leurs postes. Certains d’entre eux, ainsi que des membres de la police locale, ont rejoint l’Armée du Mahdi.

Le gouvernement central de Bagdad a besoin pour pouvoir fonctionner des recettes provenant du pétrole de Bassora et des exportations. S’il ne parvient pas à rétablir la sécurité, sa survie pourrait être mise en danger.

Kurdistan Irakien

Les Kurdes du nord de l’Iraq ont depuis toujours résisté au gouvernement de Bagdad.

Musulmans sunnites pour la plupart, ils parlent une langue indo-européenne qui partage des racines linguistique avec l’anglais. Ils ressentent une plus grande affinité avec les Kurdes de l’Iran, de la Syrie et de la Turquie voisines qu’avec le gouvernement irakien. Ils ont été impitoyablement opprimés par Saddam Hussein, et après la première guerre du Golfe, les États-Unis ont établi une zone d’exclusion aérienne pour les protéger. Les Kurdes irakiens ont créé leur propre gouvernement autonome, le Gouvernement Régional du Kurdistan.

Les dirigeants kurdes veulent annexer la province de Kirkuk, riche en pétrole, qui jouxte la région qu’ils contrôlent. Un Kurdistan irakien qui engloberait les champs pétrolifères de Kirkouk pourrait gagner un statut de puissance régionale. Cela mettrait en danger non seulement le gouvernement irakien, mais aussi ses voisins - en particulier la Turquie, qui abrite également une minorité kurde rétive.

Préoccupés par la montée en puissance du Kurdistan, les responsables turcs ont averti qu’ils entreraient en guerre plutôt que de laisser le gouvernement kurde se saisir de Kirkouk.

Par ailleurs, Kirkouk est une province à la population mélangée, habitée par de nombreux Arabes et des Turkmènes, qui sont violemment opposés à l’annexion de la ville par les Kurdes.

En outre, la zone kurde en Irak offre un refuge pour la guérilla du Parti des Travailleurs Kurdes (PKK), qui avait mené une terrible campagne dans l’est de la Turquie dans les années 1980 et 1990, contrée par une réaction tout aussi brutale de l’armée turque.

Au cours des sept derniers mois, la situation à la frontière avec la Turquie s’est dégradée : les guérilleros du PKK se sont infiltrés en Turquie à partir de l’Irak et ont tué des dizaines de soldats turcs. La Turquie a riposté par des bombardements sur les villages frontaliers en Irak, où la guérilla a ses repaires, et elle a également franchi la frontière irakienne pour attaquer le PKK en Irak.

Le problème de Kirkouk et la présence du PKK font de la région nord de l’Irak un dangereux baril de poudre.

Les États-Unis se retrouvent pris entre leurs deux alliés, les Kurdes qui ont résisté à Saddam et les Turcs qui sont leurs plus proches alliés dans le monde musulman. Il n’y a que très peu de troupes américaines à l’extrême nord de l’Irak, ce qui limite leur capacité d’intervention.

Le scénario le plus favorable serait celui où les Kurdes abandonneraient leurs objectifs expansionnistes. Le pire, celui d’un conflit opposant les Kurdes aux autres irakiens, surgissant au même moment qu’une invasion de la Turquie, ce qui déstabiliserait l’ensemble de la Méditerranée orientale.

Bagdad

Quand les Américains se représentent la guerre en Irak, ils pensent le plus souvent à la lutte pour le contrôle de la capitale. C’est là où la majorité des troupes américaines sont stationnées. Bagdad est traversée par les lignes d’affrontement culturels et religieux divisant le pays : c’est là où se rencontrent le sud chiite et les régions à majorité sunnite de l’ouest et du centre.

Le pouvoir de Saddam Hussein était basé à Bagdad et il en avait fait un centre du nationalisme arabe, en tirant parti de sa réputation d’ancien pivot de la civilisation islamique. Aujourd’hui, celui qui contrôle la capitale peut espérer contrôler l’ensemble du pays.

Après la chute de Saddam, l’ancienne élite sunnite arabe, surreprésentée dans les rangs du Parti Baas, a été évincée du gouvernement et a perdu ses emplois et ses positions dans l’armée.

La majorité chiite, traditionnellement défavorisée, a gagné le contrôle du gouvernement lors des élections, ce qui s’avère crucial dans la mesure où c’est le gouvernement qui est le premier employeur à Bagdad. L’actuel gouvernement irakien et une bonne partie de la ville est donc dirigé par les chiites, au bénéfice des chiites.

Les groupes sunnites, maintenant défavorisés, mènent une insurrection armée contre le gouvernement et les troupes américaines qui le soutiennent.

Ils sont également engagés dans une guerre souterraine avec l’Armée du Mahdi et la Brigade Badr, les deux milices chiites les plus puissantes qui dominent actuellement la capitale.

En 2006, les arabes sunnites ont perpétré un attentat contre la mosquée de Samarra, qui est un important sanctuaire chiite, déclenchant une guerre civile confessionnelle à Bagdad et dans les provinces environnantes qui a fait plus de 2500 victimes par mois. Ce bain de sang a motivé l’envoi de renforts, le surge, décidé en 2007 par les USA.

En 2006, les chiites étaient en train de gagner la guerre civile. Sous le couvert du surge, pendant lequel les États-Unis ont commencé à désarmer les insurgés arabes sunnites, laissant leurs quartiers sans défense, les milices chiites se sont déchaînées chaque nuit en se livrant à un nettoyage ethnique contre les sunnites. Lorsque les États-Unis ont pris Bagdad en 2003, la ville était à peu près également partagée entre les sunnites les chiites. En janvier 2007, Bagdad était chiite à 65%. L’été 2007, cette proportion a atteint 75%. Des centaines de milliers d’arabes sunnites ont fui vers la Syrie.

À l’heure actuelle, Bagdad est devenue une ville très majoritairement chiite, ce qui représente une défaite humiliante pour le nationalisme arabe sunnite.

Cela crée une situation extrêmement instable : les sunnites irakiens n’accepteront sûrement pas cette défaite. Ils ont de riches bailleurs de fonds et nombre d’entre eux ont une expérience militaire.

Lorsque les réfugiés sunnites seront à court d’argent et reviendrons de Syrie - ou en seront expulsés par la Syrie pour laquelle ils deviennent un fardeau financier insupportable - la capitale très instable pourrait voir renaître la guerre civile, menaçant du même coup la stabilité précaire que l’Irak a réussi à instaurer.

Juan Cole,

Boston Globe, 13 avril 2008

Juan Cole enseigne l’histoire à l’université du Michigan. Il a publié récemment « L’Egypte de Napoléon : L’invasion du Moyen-Orient »

Publication originale Boston Globe, traduction Contre Info



3-3 Point de vue de Danilo Zolo
: Irak, 5 années de guerre - La guerre devient globale.

La « guerre globale » a été menée pour décider de qui allait devoir prendre la fonction de leadership dans le système mondial, qui allait imposer les règles de la compétition entre les grandes puissances, qui allait avoir le pouvoir de modeler les processus d’allocation des ressources et faire prévaloir sa propre vison du monde.

La guerre d’agression déclenchée le 20 mars 2003 contre l’Irak par les armées étasuniennes et britanniques a marqué le point culminant d’une dérive belliciste qui a débuté dans l’ultime décennie du siècle dernier, après la fin de la guerre froide.

Il s’agit d’un phénomène qui a investi le monde entier et qui est bien loin d’être épuisé, comme l’a prouvé la guerre contre le Liban de l’été dernier et comme le prouvent les préparatifs de guerre contre l’Iran.

Et le phénomène de la guerre de même que les appareils rhétoriques de sa justification ont rapidement changé. Ce changement ne peut être interprété aisément que dans le cadre des processus de transformation économico-financière, informatique et politique qu’on trouve sous le nom de « globalisation ».

En d‘autres termes, s’est développé pendant ces années un processus de transition à la « guerre globale », avec, comme point central, l’adoption de la part des puissances occidentales de la notion de « guerre préventive », conçue et pratiquée par les Etats-Unis contre les dits « états voyous » et les organisations du global terrorism. Cette transition n’a pas concerné que la morphologie de la « nouvelle guerre », à savoir sa dimension stratégique et sa potentialité destructive. On y trouve très étroitement connectée une véritable éversion du droit international, due à l’incompatibilité radicale de cette « guerre préventive » avec la Charte des Nations Unies et le droit international général. A quoi s’ajoute une régression à des rhétoriques antiques de justification de la guerre, y incluse la doctrine « impériale » de la « guerre juste » et de son noyau d’ascendance biblique : la « guerre sainte » contre les barbares et les infidèles.

Ces rhétoriques sont devenues aujourd’hui, dans un contexte de globalisation des moyens de communication de masse, un instrument belliqueux d’exceptionnelle importance. La guerre d’agression contre l’Irak a été une guerre « globale » parce qu’elle a été menée à l’enseigne d’une stratégie impériale que son principal protagoniste – les Etats-Unis d’Amérique- a orienté vers des objectifs universels comme la sécurité globale (global security) et l’ordre mondial (new world order). Sa finalité n’a jamais été la conquête d’espaces territoriaux selon le modèle des guerres coloniales.

La « guerre globale » a été menée pour décider de qui allait devoir prendre la fonction de leadership dans le système mondial, qui allait imposer les règles de la compétition entre les grandes puissances, qui allait avoir le pouvoir de modeler les processus d’allocation des ressources et faire prévaloir sa propre vison du monde. Voilà ce qu’a été l’enjeu d’une guerre qui, par de nombreux aspects, n’est pas encore finie. La guerre continue à la fois dans ses effets destructeurs et sanguinaires, et dans l’instigation de sa réplique tout aussi destructrice et sanguinaire du terrorisme.

La finalité impériale de la guerre en Irak est confirmée par d’importants documents de la Maison Blanche et du Département d’Etat, depuis le Defense Planning Guidance de 1992 jusqu’à la National Security Strategy de 2002. L’intérêt qu’on y déclare vouloir poursuivre par la force des armes est la stabilité de l’ordre mondial dans un cadre d’interdépendance accrue des facteurs internationaux et de vulnérabilité élevée des pays industriels. Le risque concerne surtout l’accès libre et régulier aux sources d’énergie. Et cette stabilité globale doit être garantie –c’est le point central- sans toucher aux mécanismes de distribution mondiale de la richesse qui creusent un sillon de plus en plus profond entre les pays riches et les pays pauvres.

Pour réaliser cet objectif, la guerre globale est une prothèse nécessaire. Et les Etats-Unis, en tant que global power, sont le seul pays en mesure de « projeter de la puissance » à échelle planétaire. Ils ont des intérêts, des responsabilités et des devoirs globaux, et doivent pour cela étendre leur propre influence dans le monde, en renforçant l’America’s global leadership role. Universalisme impérial, doctrine de la « guerre juste » et mystique biblique de la "guerre sainte" s’unissent en une conception discriminative de l’espace global. Qui repousse l’hégémonie des valeurs occidentales appartient à la bande des nouveaux barbares et des nouveaux infidèles. : c’est un ennemi de l‘humanité. Dans ce contexte, on peut dire que la guerre déchaînée il y a cinq ans contre l’Irak, avec les falsifications retentissantes qui l’ont motivée, l’usage de moyens de destructions de masse, l’imposante campagne idéologique, les massacres de civils, la déprédation des ressources énergétiques, et, non des moindres, l’atroce pendaison de Saddam Hussein, est l’exemple de la nature terroriste de la « guerre globale préventive » déchaînée par les puissances anglo-saxonnes contre le global terrorism.

Danilo Zolo

Danilo Zolo est enseignant de philosophie du droit à Florence, auteur de nombreux essais et coordinateur du site Jura Gentium

Source : Le Grand Soir - journal militant d'information alternative

Edition de mercredi19 mars 2008 de il manifesto

http://www.juragentium.unifi.it/en/...

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



3-4 Point de vue de Juan Cole : Bush se trompe d’ennemi.

Ndlr : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information

L’escalade décidée par Bush en Irak est bâtie sur une profonde incompréhension de qui sont les ennemis, comment se comporter face à eux, et sur les limites de l’emploi de la force.

Misreading the ennemy - extrait

(...)

Qui est l’ennemi en Irak, exactement ?

En premier lieu, c’est environ 50 groupes principaux de guérilla arabes sunnites. Ceux-ci ont des noms tels que les brigades de la révolution 1920, l’armée de Mohammad, et le Conseil du Guerrier Saint.

Certains ont leurs racines dans le parti Baas, un parti nationaliste et socialiste arabe qui avait dirigé l’Irak a partir de 1968.

D’autres ont une base dans des quartiers urbains ou dans les clans ruraux.

Certains se composent de musulmans fondamentalistes.

Un de ces groupes se fait appeler « Al-Qaida » mais n’a aucun vrai lien avec Oussama Ben Laden et son organisation, et a simplement adopté le nom.

Les Baasistes et les néo-Baasistes, menés par Izzat Ibrahim al-Douri (un ancien bras droit de Saddam Hussein), sont probablement les plus importants et les plus dangereux de ces groupes de guérilla.

Ces cellules de guérilla sont enracinées dans le secteur arabe sunnite, environ 20 pour cent de la population de l’Irak, qui avaient apprécié des siècles de domination en Irak.

En sont issus les hauts bureaucrates, les directeurs des compagnies, les employés qualifiés, les gens qui savent comment faire les choses.

Ils savent où se trouvent environ 200.000 tonnes restants d’explosifs cachés, disséminés dans le pays par l’ancien régime.

Ils ne peuvent pas pour la plupart accepter d’être dirigés par ce qu’ils voient comme un nouveau gouvernement d’Ayatollahs chiites et de seigneurs de guerre Kurdes, ou d’être occupés par l’armée et les marines américains. Ces Sunnites irakiens ont l’appui de millions de Co-religionnaires dévoués, et parfois riches, en Syrie, en Jordanie, en Arabie Saoudite et les royaumes du pétrole du golfe Persique.

(...)

Les guérilleros savent qu’ils ne peuvent pas combattre de front les militaires des États-Unis. Mais ils n’en ont pas besoin. Ils savent quelque chose que les Américains ne pourraient pas entièrement comprendre.

L’Irak est un pays de clans et de tribus, de Hatfields et de McCoys, de rancune et d’inimitié. Les clans sont plus importants que les identités religieuses telles que Sunnite ou Chiite.

Ils sont plus importants que les appartenances ethniques telles que Kurde ou Arabe ou Turkmène. Tous les membres du clan sont liés par l’honneur pour défendre ou venger chacun des autres membres. Ils sont des bandes non pas de frères mais de cousins.

(...)

Le Président Bush dans son discours mercredi a imaginé que les guérilleros parvenaient aux voisinages de Bagdad et dans les villes de la province d’Al-Anbar de l’extérieur.

Il a proposé que, comme solution à ce problème, les États-Unis et les troupes irakiennes devraient les dégager hors de là puis ensuite tenir les quartiers urbains pendant un certain temps, pour les empêcher de revenir. Mais les guérilleros ne sont pas des étrangers. Ils sont les habitants de ces quartiers urbains, qui gardent des armes dans leurs W-C et sortent masqués la nuit pour s’adonner au massacre et au sabotage.

Bush croit que $1 milliards investis dans un programme d’emplois produiront de l’emploi ce qui amènerait les jeunes hommes a moins probablement succomber aux flatteries des recruteurs de guérilleros.

Mais sans sécurité vous ne pouvez pas avoir une économie prospère qui puisse produire des emplois, et n’importe quel argent que vous mettez dans une telle situation sera simplement du gaspillage. Les guérilleros font souvent $300 par mois, un très bon salaire dans l’Irak d’aujourd’hui. Il y a peu de probabilité que le programme d’emplois de Bush produira beaucoup d’emplois qui convaincront les Irakiens de quitter leurs groupes de guérilleros et milices. Pour beaucoup d’entre eux, servir est une question de protection du voisinage ou d’engagement idéologique. Tout n’est pas question d’argent.

Une autre raison pour laquelle les $1 milliards de Bush pour la création d’emplois ne sont pas impressionnants est que l’Iran offre à l’Irak $1 milliards d’aide dans le même temps.

Et on estime que les guérilleros dans le port méridional de Bassora volent et passent en contrebande $2 milliards par année du pétrole détourné des raffineries de la ville. Faites le total, et vous verrez que les Etats-Unis sont battus d’une large marge.

Puisque les guérilleros arabes sunnites ne peuvent être défaits ou empêchés de provoquer des inimitiés massives de clans qui déstabilisent le pays, il n’y a qu’une façon de sortir du bourbier.

Les Etats-Unis et le gouvernement Chiite d’Irak doivent négocier un règlement mutuellement satisfaisant avec les chefs arabes sunnites de guérillas. Ces discussions seraient plus faciles si les guérilleros formaient un parti politique agissant comme leur porte-parole. Ils devraient être encouragés à suivre cette voie. Leur première et plus pressante demande est que les Etats-Unis établissent un calendrier pour le retrait de ses troupes.

Les Etats-Unis devraient accepter leur offre de pourparlers une fois qu’un calendrier est annoncé.

L’engagement de Bush de plus de 20.000 troupes est prévu pour faire face a seulement une des tactiques des guérilleros, consistant a conquérir puis tenir des quartiers. En cela, il se concentre sur seulement une petite partie des territoires arabes sunnites. Les guérilleros n’ont pas besoin de tenir de tels voisinages pour continuer à s’engager dans le sabotage et la provocation des inimitiés artificielles.

Tant que les Arabes sunnites de l’Irak seront si profondément mécontents, ils continueront à amplifier la rébellion. Bush suit une tactique militaire pour gagner une guerre qui peut seulement être gagnée par la voie des négociations.

Juan Cole

Traduction Monsieur K, Blog du Monde Diplomatique.

Source : Mercury News



3-4 Point de vue de DeDefensa : Déconstruction de la puissance

(Extrait)

Les USA sont depuis cinq ans en Irak.

Il en est pour nous expliquer que c’était voulu, que le chaos installé là-bas fait “partie des plans”, que c’est là une fine tactique plaquée sur une stratégie sans un pli. Ils nomment cela “chaos créateur”.

La chose est si bien faite, avec cette guerre des $3.000 milliards (au moins) qu’elle entraîne l’Amérique elle-même, l’Amérique et son système qui est le nôtre, dans un trou noir sans fond, – même si certains autres nous expliquent que “les trillions de dollars, qu’est-ce que ça veut dire?”, – auxquels nous serions tentés d’ajouter, pour corser l’affaire: “la fin de l’Amérique, qu’est-ce que ça signifie?”.

La raison ne supporte d’être prise en défaut. Il faut qu’elle s’en explique.

Avec l’Amérique, artefact par définition manipulateur de la raison avec l’aide de la communication dans une Histoire entrée dans l’ère psychopolitique, la raison est servie. Il est intéressant d’observer la puissance étonnante de fascination de l’Amérique sur la raison, notamment et plus précisément la raison de ceux qui se désignent comme les plus violents adversaires de l’Amérique. Cette fascination les pousse à imaginer des prodiges de machination dans le chef de cette même Amérique pour expliquer certaines de ses entreprises les plus folles. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? La raison opine.

Mais, comme l’on sait, nous avons, nous aussi, nos faiblesses coupables et, par conséquent, un faible pour la fascination. Alors oui, nous aussi, l’Amérique nous fascine. Cette “hyperpuissance” évidemment sans précédent a inventé cette chose évidemment sans précédent, cette envolée extraordinaire vers la chute finale, en empruntant tous les raccourcis possibles, toutes les tangentes imaginables, tous les trucs concevables. Le résultat est une tentative, souvent réussie, de nous faire prendre justement, – la fascinante trouvaille, – écoutez ceci : nous faire prendre une “chute finale” pour une “envolée sans précédent”.

”...

Cette tendance qu’on décrit dans cette revue de détails approximatifs pour l’Irak est une tendance qui affecte tout le système. La catastrophe irakienne est une catastrophe systémique de la civilisation occidentale, nullement une chose concernant un conflit particulier qu’on nommerait “guerre d’Irak”. Elle bénéficie des mêmes faux-semblants, des mêmes habillages, des mêmes incertitudes que nous prêtons à la réalité au nom des certitudes de notre raison enfiévrée.

Cela écrit sans intention de nuire, passons au principal, cinq ans après le début des festivités.

Quelle “drôle de guerre”

Quels que soient les buts et les ambitions qu’on peut prêter aux stratèges US, toutes les explications rationnelles se sont perdues, comme la guerre elle-même, d’abord dans les sables mésopotamiens, ensuite sous les amoncellements de réalités rationnellement incompréhensibles.

Voici le cas du volume de carburant consommé par l’armée occupante en Irak (l’armée US, pour ne pas la nommer), qui ne fait, après avoir accompli des choses catastrophiques, pratiquement plus rien que subventionner ses ex-ennemis en attendant qu’ils le redeviennent; que ce volume équivaille à 3% à 4% de la production de pétrole du pays conquis, pays censé être l’un des trésors des réserves mondiales de pétrole et dont la production devait assurer dès 2003-2004 (selon une des stars de l’expertise du système, Wolfowitz) le coût de la guerre et celui de la reconstruction, et celui des bénéfices d’Halliburton, – voilà l’un de ces mystères auxquels Eugène Sue n’aurait jamais songé.

La guerre d’Irak est un conflit historiquement fondamental, en ceci notamment:

• La guerre d’Irak a accéléré d’une façon géométrique, à la fois le chaos du système et, surtout, la perception psychologique (non pas mesurée rationnellement mais perçue inconsciemment par nos psychologies) que notre système ne peut avancer que dans la voie du chaos, et avancer selon un mode de déplacement en accélération géométrique.

L’Irak nous donne une sensation d’inéluctabilité du destin du système parce que le conflit montre que c’est le système lui-même, et non la guerre qu’il conduit ni les adversaires qu’il affronte après les avoir fabriqués, qui crée ce chaos que semble être la guerre.

• La guerre d’Irak a complètement, absolument transformé la nature même de la guerre. Elle montre d’une façon irréfutable que les conditions extérieures de la guerre, – sa préparation, son entretien, sa perception, ses effets indirects, son accompagnement, voire son commentaire, etc., – ces conditions extérieures de la guerre sont, en temps historique réel (et non plus dans ses conséquences éloignées dans le temps) et en valeur historique, infiniment plus importantes que le conflit lui-même, quelle que soit sa cruauté. Ce qui compte dans l’Irak n’est pas l’Irak mais les effets de la guerre en Irak, en-dehors de l’Irak, en-dehors du champ stratégique et militaire direct, mais au cœur de notre système. Il est devenu impossible de compter sur la guerre pour nous libérer de nos contradictions internes et mortelles, – grand événement, cela, la guerre qui ne joue plus le jeu…

Il est inutile et vain de mesurer ce que cette guerre accomplit en termes militaires ou produit en effets stratégiques. Tout cela est largement dépassé, submergé, rapetissé en importance relative, par les effets directs extérieurs, avec leurs propres effets directs immédiats qui enchaînent.

En quelque sorte, et si l’on considère que les USA ont toujours su mener des guerres extérieures où leur propre situation intérieure n’était pas affectée par les “violences” de ces guerre, et donc ne semblant pas y être impliqués, littéralement comme des “neutres” qui ne subissent pas la “violence” de la guerre, alors la guerre d’Irak est la première guerre où ceux qui sont directement le plus gravement touchés sont les “neutres” qui ne sont pas impliqués dans le conflit, – et le plus “neutre” en apparence d’entre tous, notre système occidental lui-même, que mènent et transforment à leur image les USA.

Ainsi s’agit-il d’un nouveau type de conflit et, nous en sommes persuadés, d’une nouvelle définition universelle de la guerre. Nous n’en prenons pas conscience d’une façon irréfutable, comme avec la Blitzkrieg imposant sur l’instant, en 1939-40, une nouvelle méthode de guerre, parce que la “violence” de la guerre n’a plus aujourd’hui, ni l’apparence, ni la substance de la violence de la guerre d’hier. (Il est évident que la chose est infiniment plus importante que la Blitzkrieg.)

La guerre d’Irak devrait plutôt être nommée “guerre en Irak”, comme si elle n’était pas liée à sa localisation géographique, comme s’il s’agissait de l’ “expérimentation” d’un événement tout à fait nouveau. Elle constituerait alors une formule absolument inédite de l’effondrement d’une civilisation qui se caractérise par une volonté systémique, niveleuse, de conquête du monde par la destruction des structures de ce monde; cette civilisation se heurtant effectivement à la formule de sa propre destruction lorsqu’elle se lance dans son œuvre de déstructuration, se déstructurant elle-même par le fait.

La cruauté de cette guerre, les souffrances infligées aux Irakiens, sont des choses affreuses et épouvantables, mais elles n’ont qu’une importance mineure par rapport aux effets directs (insistons sempiternellement sur ce qualificatif) qu’elle a sur le reste, – “le reste” étant sans aucun doute notre système.

En effectuant cette extraordinaire “expérimentation”, la guerre a employé divers moyens dont on s’aperçoit combien leur addition revient à porter un coup terrible, peut-être fatal, au concept de “puissance” selon la représentation traditionnelle qu’on s’en fait. La “guerre en Irak” a réalisé, d’ailleurs avec la complicité très active de ceux qui l’ont déclenchée et qui sont ainsi les premières victimes du processus, une attaque d’une force terrible contre la matérialité de la puissance, en mettant en évidence cette chose terrible: que l’accumulation de puissance accroît d’autant, dans un rapport à peu près constant, l’impuissance à agir d’une façon efficace. C’est l’équation que nous avons déjà proposée (“invincibilité = impuissance”). La “guerre en Irak” constitue un acte fondamental de déconstruction du concept de puissance. La chose va évidemment de pair avec l’ébranlement catastrophique du système qui s’est lancé dans cette aventure.

On peut certes poursuivre l’exploration géostratégique du domaine et conclure de l’enlisement catastrophique US en Irak qu’il profite à ses adversaires ou à ses concurrents. Il s’agirait alors d’évaluer les gains que l’Iran retirerait de la situation. Mais nous sommes conduits également à écarter cette démarche, selon notre logique initiale qui tend à écarter les facteurs conjoncturels apparents du conflit, fussent-ils stratégiques, géopolitiques, etc. Si les USA ne peuvent gagner cette guerre, cela ne signifie pas que d’autres le peuvent. En changeant la nature de la guerre, l’Irak réduit à néant les notions de “victoire” et de “défaite”. L’importance de cela n’est d’ailleurs que très marginal, on le comprend aussitôt. Il est évident qu’on ne peut s’arrêter ni à l’Irak ni à la situation au Moyen-Orient. Il est évident que l’Irak forme un maillon fondamental, mais un maillon seulement, d’une chaîne formant elle-même la crise systémique de la civilisation. Sans génie particulier mais par la seule logique de l’expertise, Stiglitz a établi un rapport direct entre l’Irak et la crise financière qui secoue les USA, et la crise générale de cette puissance. En d’autres termes, ce qui se passe en Irak et ce qui se passe à Wall Street sont deux maillons d’une même chaîne qui est une crise, qui est la crise de notre civilisation.

dedefensa.org

Date de publication : 19/03/2008 - Rubrique : Faits et commentaires

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Droits de l’Home en Irak : indifférence onusienne ou complicité ?

Un certain nombre d’organisations non gouvernementales* a adressé au Secrétariat Général des Nations Unies un rapport sur la situations catastrophique des droits de l’homme en Irak et la situation de ce pays en général et s’étonne que le Conseil pour les Droits de l’Homme des Nations Unies n’ait jamais évoqué ces violations ni que le Haut Commissaire aux Réfugiés, en dépit de son mandat, n’ait attiré son attention.

En décembre 2007, l’OCHA (Office pour la Coordination des Affaires Humanitaires) qualifiait la situation en Irak de « situation complexe et la plus violente dans le monde… caractérisée par des graves violations des droits de l’homme et de la loi humanitaire internationale » ajoutant que les droits de base- le droit à la vie et à la sécurité - constituaient l’inquiétude principale des Irakiens. Les Nations Unies estimaient à plus de 8 millions les personnes ayant besoin d’une assistance immédiate. 54% de la population survivaient avec à peine 1$ par jour et 15% étaient dans une extrême pauvreté avec un demi-dollar. Le Bureau Irakien des Statistiques confirmait que 43% des Irakiens souffraient d’une «pauvreté absolue ». Sous l’occupation, des milliards de dollars se sont évanouis et la corruption est un phénomène courant en Irak, inconnu à ce stade avant l’occupation. Transparency International range l’Irak parmi les pays les plus corrompus.

Le rapport rappelle les cris d’alarme lancés par les agences des Nations unies sur les 4,4 millions de réfugiés, les assassinats d’intellectuels (500 en cinq ans) et le pillage des richesses archéologiques de l’Irak. Les forces d’occupation ont utilisé les sites archéologiques comme bases militaires (Babylone) et ont détruit des sites historiques au cours de leurs opérations militaires.

La torture en Irak par les forces de coalition US et britannique fait partie d’un modèle plus large inauguré à Guantanamo et l’Afghanistan et poursuivi par sa délocalisation dans des pays autres. Les sévices infligés aux prisonniers de guerre irakiens ont été l’objet de nombreux rapports dont celui du général US Antonio Taguba, en mars 2004, où il concluait que les soldats US avaient soumis les détenus à des méthodes sadiques, en violation des lois internationales. En dépit des promesses d’apaisement, la torture et les exécutions sommaires - déguisées parfois en évasions de prisonniers- ont continué, comme le notaient le chef du Bureau des Droits de l’Homme des Nations Unies, Gianni Magazzeni et Amnesty International, dans son rapport Beyond Abu Ghraib, mars 2006. Jusqu’à présent, les Américains comme les Irakiens ont refusé tout accès de ces centres de détention à la Croix Rouge ou à des experts des Nations unies, ou à des enquêteurs. Les morts survenant dans ces centres sont généralement dits de « cause naturelle » ou « causes inconnues ». Des experts médicaux mettent cette assertion en question étant donné l’âge des détenus et les circonstances de leur emprisonnement : les Américains et les Britanniques ont été accusés d’avoir noyé des prisonniers en les poussant dans des fleuves ou canaux.

De nombreux rapports indiquent que les partis et milices kurdes ont leurs propres centres de détention où tortures et mauvais traitement sont monnaie courante dans les trois gouvernorats du Nord de l’Irak. «La plupart des détenus de cette catégorie étaient des Arabes irakiens arrêtés à Mossoul ou Kirkouk et transférés au Kurdistan. Les tribunaux pénaux n’y ont pas compétence pour juger des cas de transfert d’autres gouvernorats où les crimes ont été commis ».

Les forces d’occupation se servent d’armes comme le napalm, les bombes à fragmentation, au phosphore, à l’uranium appauvri bannies par la loi internationale ou considérées comme inhumaines ou inacceptable, parce qu’elles ne différencient pas entre cibles militaires et civils et qu’elles causent des souffrances indiscriminées ou inutiles. Il serait urgent, dit le rapport, d’enquêter sur cet usage.

Les femmes irakiennes continuent à être les victimes d’une violence extrême, dont la torture, le viol des femmes détenues particulièrement dans les zones administrées par les partis kurdes, le UPK et le PDK. L’arrestation des femmes a pour but de faire pression sur les fils, maris et autres pour se rendre. Les droits civils dont jouissaient les femmes avant 2003 ont, avec la nouvelle constitution rédigée sous la supervision des Etats-Unis, reculé des générations en arrière.

Le rapport indique, d’autre part, qu’en violation de la 4ème Convention de Genève, le service de santé, un des meilleurs de la région avant 2003, a subi une telle dégradation qu’il ne peut subvenir aux besoins de la population. 90% des hôpitaux manquent de l’équipement de base et les milices ne se gênent pas pour enlever les patients pour les exécuter. L’UNICEF évalue à 10% les enfants irakiens souffrant d’une malnutrition aigue et 20%, ceux souffrant d’une malnutrition chronique. La mortalité infantile a augmenté de 150% entre 1990 et 2005, dépassant en cela, les pays de l’Afrique subsaharienne, touchés par le sida, et en 2005, 122 000 enfants irakiens sont morts, la moitié étant des nouveaux-nés.

Selon un rapport de l’’UNESCO, en mars 2008, à l’exception de la période de l’embargo, le système éducatif en Irak était le meilleur de la région avec 100% d’enfants inscrits pour le primaire et un faible taux d’analphabétisme homme/femme. A l’heure actuelle, en raison de l’invasion et de l’occupation, le système est en faillite et rien n’est fait pour l’améliorer. …

… Il est intéressant de noter que le Haut Commissaire des Nations unies, Mme Louise Arbour, a décrit, le 8 février 2007, les violations commises par les nouveaux tribunaux institués par les forces d’occupation, sans existence légale, qui n’ont pas respecté le principe de l’indépendance et de l’impartialité qui doit être le leur selon la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En octobre 2006, le journal britannique The Lancet estimait à 600 000 le nombre d’Irakiens morts depuis l’invasion américaine. En janvier 2008, ORB (Opinion Research Business) réactualisait les chiffres après avoir effectué plus de 600 interviews dans les zones rurales en Irak et arrivait au chiffre de 1.033 000 en moyenne, oscillant entre 946 000 et 1 120 000.

Le rapport exhorte le Conseil des Droits de l’Homme à intervenir notamment en rétablissant le Rapporteur spécial sur l’Irak qui a été annulé après l’invasion.

* L’Union des Juristes Arabes, La Fédération Générale des Femmes Arabes, La Fédération Générale des Femmes Irakiennes, Association Internationale des Juristes Démocrates, Mouvement International de la Jeunesse et des Etudiants pour les Nations Unies, ayant statut d’observateur, Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté, Association des Cités pour la Coopération nord-sud. L’Association des Juristes Arabes (GB), l’Association des Diplomates Arabes et l’Association des Intellectuels et Universitaires Irakiens partagent les opinions exprimées dans ce rapport.

Sources: A/HRC/7/NGO/83 –A/HCR/NGO/97

Rédaction et traduction : Gilles Munier, Xavière Jardez



4 Courrier des lecteurs & trouvé sur le net & témoignage

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4-1Le Pentagone en collaboration avec des universités et des hôpitaux va financer un institut de médecine régénérative pour blessés de guerre.

Le Pentagone va subventionner un institut médical pour développer des méthodes de régénérescence d'organes, de muscles ou même de membres de soldats blessés, ont indiqué des responsables jeudi.

"Ce nouvel institut travaillera à développer des techniques qui aideront nos soldats à se reconstituer" a déclaré le médecin-chef de l'armée américaine, le général Eric Schoomaker.

"Nous utiliserons les propres cellules souches des soldats pour réparer les dommages neurologiques, reconstituer les tissus de muscles, des tendons, soigner les brûlures et les aider à guérir sans cicatrices" a-t-il dit.

Il a indiqué que des nouvelles techniques pour reconstituer des membres, des mains, des doigts, des oreilles et des nez endommagés et reconstruire des boites crâniennes abîmées seront également développées.

Ce nouvel institut de médecine régénérative du Pentagone coordonnera les recherches de centres à la pointe comme Wake Forest University, l'université de Pittsburgh, Rutgers University et la Cleveland Clinic.

Le Pentagone contribuera 85 millions de dollars au cours des cinq prochaines années et les autres institutions apporteront 80 millions de dollars tandis que 100 millions de dollars de subventions seront fournis par le National Institute of Health.

"A notre connaissance, il s'agit du plus important consortium de recherches financé par le gouvernement américain dans le domaine de la médecine régénérative" a déclaré Schoomaker.

Dans l'équipe de chercheurs figure le docteur Tony Atala de Wake Forest University, un pionnier dans ce domaine, qui a pu pu reconstituer des vessies à partir de cellules couches adultes.

"Toutes les parties de votre corps, de vos tissus, de vos organes représentent un dépôt de cellules qui sont prêtes à se reproduire lorsqu'une blessure intervient" a précisé le docteur Atala.

(Source : AFP / 18 avril 2008)



4-2 Mohamed Al Daïni : L'horreur à la prison de Bâakouba.
il avait dénoncé les crimes de l’occupation

La Grande-Bretagne vient de refuser un visa d’entrée sur son territoire au député irakien Mohamed Al Daïni, invité à Londres par des parlementaires, des organisations anti-guerre et des associations des droits de l’homme
Le député irakien Mohamed Al Daïni est originaire de Diyala et a été élu sur une liste indépendante lors des dernières élections en Irak.

C’est lui qui a révélé le premier à la presse internationale, les graves abus et les tortures les plus ignobles que subissent les détenus irakiens sunnites dans les prisons irakiennes de la part des escadrons de la mort et avec la complicité des fonctionnaires du ministère de l’intérieur et de l’administration pénitentiaire.

Ses enquêtes ont coûté la vie à 10 membres de sa famille, tous assassinés à Diyala, à la suite de leur publication. Elles ont été utilisées dans un documentaire britannique sur les escadrons de la mort en Irak.

Le député irakien tout comme ses hôtes ont été surpris par la décision du Foreign Office.

Pour sa part le député britannique Georges Galloway compte interpeller le gouvernement, lors de la prochaine session parlementaire, sur les raisons d’un tel refus, pour un député irakien « élu démocratiquement, dans un processus politique que le gouvernement britannique avait soutenu de toutes ses forces ».

Ci-dessous la traduction d’une interview du député Mohamed Al Daïni, accordée à Ahmed Abou Salah pour albasrah.net le 14 octobre 2006

Un documentaire et des rapports médicaux attestent des scandales de l’occupation et de ses agents.
Le viol de 300 détenus irakiens, hommes et femmes, à la prison de Bâakouba.

L’Imam d’une mosquée, âgé de plus de 60 ans, raconte les détails de sa sodomisation à deux reprises.
120 000 détenus dans les prisons de l’occupation, dont des milliers ont été violés. Des parlementaires et des responsables irakiens sont impliqués dans les crimes de l’occupant.





5 Annexe Géopolitique et stratégie – Réflexion

Ndlr : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information

5-1 Irak: une "immense débâcle", selon Joseph Collins .

La guerre en Irak est "une immense débâcle", affirme un ancien haut responsable du Pentagone sous l'ex-ministre de la Défense Donald Rumsfeld.

"Si on mesure la guerre en Irak en sang et en argent dépensé, elle est devenue une guerre majeure et une immense débâcle", Elle a créé une véritable pépinière à résistants.

"Nos efforts là-bas (en Irak) devaient améliorer la sécurité des Etats-Unis, mais ils ont donné l'audace nécessaire à l'Iran pour étendre son influence" à travers la région, écrit Joseph Collins (ancien haut responsable du Pentagone sous l'ex-ministre de la Défense Donald Rumsfeld), dans une étude publiée par l'Université de la défense nationale.

De 2001 à 2004, M. Collins était adjoint du ministre de la guerre de l'époque, Donald Rumsfeld, qui est aussi l'un des principaux artisans de l'invasion de l'Irak en mars 2003.

Joseph Collins reproche à son ancien patron d'avoir opté pour une force d'invasion trop petite et au chef de l'autorité provisoire en Irak, Paul Bremer, d'avoir formalisé l'occupation au risque d'aliéner les sunnites et ce sans consulter Washington.

Les Etats-Unis payent aujourd'hui le prix de ces erreurs: moins de respect dans le monde, une armée trop sollicitée, et un impact négatif sur la guerre contre le terrorisme "qui doit maintenant laisser la priorité à l'Irak, en termes de moyens humains, de matériels et de l'attention des responsables", souligne M. Collins.

"Nos efforts là-bas (en Irak) devaient améliorer la sécurité des Etats-Unis, mais ils ont donné l'audace nécessaire à l'Iran pour étendre son influence" à travers la région, ajoute M. Collins.

(Source : ats / 19 avril 2008 02:32)


Nouvel épisode de la lutte meurtrière entre la résistance et des collaborateurs ralliées aux états-uniens.
.

Un kamikaze s’est fait exploser au milieu d’une cérémonie de condoléances dans le village de Bou Mohammed, dans la province de Diyala, considérée comme l’une des plus dangeureuses d’Irak.

L’attaque a fait également 22 blessés,

La famille des deux victimes avait reçu des menaces pour ne pas qu’elle organise de funérailles, a indiqué un responsable de la police, parlant sous couvert de l’anonymat.

Les deux jeunes gens étaient les fils d’un chef tribal local puissant, le cheikh Karim Kamel Minshidh de la tribu des Azzawi.

Ils avaient participé à la mobilisation il y a dix jours du premier "Réveil" local.

Le gouvernement voit ces groupes de combattants avec suspicion, craignant qu’ils ne deviennent des milices indépendantes.

(Jeudi, 17 avril 2008 – Al-Oufok avec les agences de presse)

Autre article

Réunis au sein de "Réveils" locaux ou de groupes de "Fils de l’Irak", ou de "Citoyens concernés", ces combattants sont en grande majorité d’anciens soldats qui étaient engagés dans la résistance anti-américaine.

Ils ont été incités par le commandement américain, moyennant finance, à tourner leurs armes contre lAl-Qaïda, que l’armée irakienne et les unités américaines combattent dans le nord du pays.

Ces combattants tribaux, au nombre de quelque 80.000 selon les estimations américaines, sont accusés d’être des traîtres et sont devenus les cibles privilégiés.

Les attaques qui se multiplient contre ces groupes ralliés font craindre qu’ils ne renoncent à leur alliance avec les forces américaines, si celles-ci ne sont pas en mesure de les défendre.

(Depuis des mois, l’armée régulière irakienne et l’armée américaine d’occupation sont engagées dans des opérations contre la résistance dans quatre provinces au nord de Bagdad : Diyala, Salaheddine, Ninive et Kirkouk.)

(Jeudi, 17 avril 2008 – AL-Oufok avec les agences de presse)


Opinion du journal Khaleej Times : d’Al Qaïda à l’Iran

Dans la rhétorique de l’administration américaine sur la situation en Irak, l’Iran a remplacé Al Qaida comme principal fauteur de troubles. S’agit-il seulement de détourner l’attention de la responsabilité de Bush dans le désastre irakien, ou bien assistons nous à la préparation d’une nouvelle campagne militaire ? Le point de vue du Khaleej Times, Dubaï.

Editorial, Khaleej Times (Dubaï), 13 avril 2008

Les dernières actions du lobby pro-guerre à Washington indiquent une réévaluation de la politique irakienne américaine, l’Iran remplaçant peu à peu Al-Qaida comme principale menace terroriste, et ce au moment où les autorités s’efforcent de justifier le maintien sur place des troupes déployées en renforts, le « surge ».

Le Général Petraeus et l’ambassadeur Crocker mentionnent désormais Al-Qaida en évoquant sa « retraite en désordre » lors des auditions du Congrès, et insistent presque exclusivement sur le rôle de Téhéran dans le soutien à l’insurrection qui a récemment surpris les forces d’occupation à Bagdad et Bassorah. Le Président Bush a également accusé l’Iran lorsqu’il a expliqué pourquoi il entérinait les recommandations du Général Petraeus à maintenir le niveau des troupes, ce qui, combiné avec l’accroissement du déploiement militaire américain dans la région, signifie que se resserre le piège guerrier entourant l’Iran.

La forte influence confessionnelle qu’exerce l’Iran sur les milices dominantes en Irak ne peut pas être sous estimée, mais il est tout aussi vrai que c’est aux États-Unis eux-mêmes qu’incombe la responsabilité de l’influence croissante de l’Iran dans la région, en particulier en Irak. La guerre contre le terrorisme de Washington a rapidement mis fin aux deux plus grands problèmes qu’avait l’Iran à ses frontières - les Talibans en l’Afghanistan et l’Irak de Saddam - et même les moins inspirés des stratèges auraient pu s’attendre à voir Téhéran exploiter à son profit la situation en Irak après l’occupation.

Même si Washington a indiqué son souhait d’ouvrir un dialogue diplomatique avec l’Iran par le biais d’un « forum multilatéral », l’histoire récente des relations entre les deux parties - surtout en ce qui concerne le programme nucléaire iranien - montre qu’un accord significatif a peu de chances d’intervenir.

Le régime d’Ahmadinejad comprend sans aucun doute que l’escalade rhétorique de Washington contre l’Iran relève en grande partie d’une tentative de détourner l’opinion publique américaine du désastre irakien qui a privé les néoconservateurs de tout crédit politique.

Par conséquent, tout en sachant que ses positions fermes en Irak et dans les négociations sur le nucléaire continueront à provoquer Washington, il est peu probable qu’il fasse marche arrière, et il continue de tabler sur les pressions régionales exercées sur les USA pour les dissuader de prendre de nouvelles initiatives militaires au Moyen-Orient.

Pourtant, les récents exercices militaires en Israël - les plus importants jamais réalisés - ont amené nombre d’observateur à craindre que la guerre ne soit imminente une fois de plus, et ceci d’autant plus que Tel-Aviv a ses propres motifs d’agir. C’est le Hezbollah, soutenu par l’Iran, qui a mis Olmert dans l’embarras en taillant en pièces le mythe de la légendaire puissance militaire d’Israël, lorsque cette milice en haillons a arrêté l’avancée de ses chars. Cela a été ressenti comme une insulte qui appelle une vengeance par les dirigeants de l’Etat Juif. Si ces craintes s’avèrent fondées, cela signifie que l’axe Washington-Tel-Aviv est sur le point de faire preuve d’un mépris criminel pour la réalité sur le terrain, à une échelle telle que même ses plus fervents détracteurs ne l’auraient imaginé.

La débâcle américaine en Irak et les affrontements de l’été 2006 avec le Hezbollah les ont tous deux privé du recours à l’option militaire.

Contrairement à l’Irak et au Hezbollah, l’Iran a la capacité de frapper les intérêts américains et israéliens dans la région, tout en actionnant ses protégés pour déclencher des attaques ciblées de guérilla.

Ce qui s’ensuivrait alors ne pourrait qu’aggraver la situation régionale et même mondiale.

Khaleej Times

14 avril 2008



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