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Sent: Sunday, May 12, 2013 3:37 PM
Subject: Le 42e anniversaire d'un exil, le 11 mai...
Le 42e anniversaire d'un exil, le 11 mai...
Après le décollage de l'avion, nos yeux ne quittaient pas le hublot… Nous dépassâmes Istanbul et la Thrace. A chaque instant, l'alarme nous concernant pouvait être donnée et, tant que l'avion volait au-dessus du territoire turc, il pouvait être contraint à atterrir.
Mais non. Le capitaine nous communiqua le fait que nous avions quitté la Turquie. Nous prîmes une profonde respiration.
Tandis que j'épluchais, pour la dernière fois, les journaux de Turquie, İnci, sortant un carnet vierge de son sac, commença à y inscrire toutes les adresses et les numéros de téléphone qu'elle savait par cœur ou qu'elle avait pu mémoriser durant ces quelques derniers jours.
L'avion allemand, progressant à toute vitesse au-dessus d'une mer de nuages, entraînait vers un avenir fait d'infinies inconnues deux exilés politiques portant les noms d'emprunt de Mehmet Burhanettin et de Hacer…
Nous nous arrachions à notre cher pays, qui nous avait vus naître, où nous avions grandi et pour lequel nous avions combattu.
Sans imaginer le moins du monde qu'un beau jour nous serions rendus « apatrides »… Avec l'espoir de revenir dès que possible et de reprendre les choses là où nous les avions laissées, comme si de rien n'était…
Doğan Özgüden, Journaliste "apatride" (Avant l'exil), Vol 1, Page 534,
Belge Yayınları, 2010, Istanbul
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Achtung… Achtung…
Ce sont les premiers mots que nous entendons, amplifiés par un haut-parleur, à notre descente d'avion à l'aéroport de Munich le 11 mai 1971 à 10 heures, heure locale. Nous sursautons. C'était en effet le leitmotiv de toutes les pratiques inhumaines des Nazis dans les films antifascistes que nous avions vus à la cinémathèque.
Nous allions passer par le contrôle des passeports. Un agent de police allemand –une grande femme corpulente– étend les bras et nous dirige vers une pièce voisine. Après nous avoir enfermés dans la pièce, elle nous quitte sans un mot.
A-t-on repéré nos faux passeports ? La Turquie a-t-elle publié une alerte ? Nous discutons à voix basse de la manière de nous défendre si c'est le cas. Soudain, la même préposée apparaît, accompagnée d'une infirmière en uniforme blanc.
- Vous n'avez pas votre vaccin contre la variole. Vos bras...
Après le vaccin, le cachet sur nos passeports… Nous récupérons nos bagages et nous nous mêlons à la foule dans l'aéroport.
…
Nous sommes clandestins, mais libres… Les 615 premiers jours de notre exil, du 11 mai 1971 au 15 janvier 1973, lorsque nous passerons obligatoirement au statut de résident légal aux Pays-Bas, nous allons vivre le même stress à chaque frontière, en train ou en voiture, à chaque départ et à chaque arrivée dans un aéroport.
Va-t-on constater que nos passeports sont des faux ? Que faire pour ne rien laisser transparaître ? Quel journal porter sous le bras pour inspirer confiance au moment de passer le contrôle ? Dans quelle langue répondre aux questions à la frontière ? Si l'on nous interroge sur le but de notre voyage, quel mensonge inventer?
…
Lors d'une dernière réunion avec nos compagnons de lutte avant de quitter la Turquie, nous avions été chargés d'une autre mission encore : nous allions apprendre des révolutionnaires espagnols, portugais et grecs qui menaient la lutte depuis des années contre des régimes fascistes, comment procéder à des publications de résistance dans la clandestinité, et les moyens techniques de les diffuser le plus largement possible ; nous communiquerons ces méthodes à la Turquie et donnerons à la lutte de Ant* une autre dimension.
Mais si tout n'allait pas comme nous l'avions pensé ? Et si nous étions obligés de demander le statut de réfugié dans un quelconque pays parce que l'on aurait découvert que nos passeports étaient des faux ? Cette presse de Bâbıâli* dont nous connaissions intimement toutes les turpitudes depuis des années, la radio et la télévision de l'Etat n'allaient-t-elles pas pousser les hauts cris
- Ennemis de la Nation ! Traîtres à la Patrie!
Cette question nous a toujours pesé sur le cœur tel un poing hérissé d'épines, chaque jour, et à chaque occasion.
Dogan Özgüden, Journaliste "apatride" (Années d'exil), Vol.2, Page 9
Belge Yayinlari, 2011, Istanbul
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