vendredi 3 avril 2009

Gaza : la barbarie écrite sur les murs



--------------------------------------------------
From: <getala@club-internet.fr>
Sent: Friday, April 03, 2009 10:42 AM
To: Subject: Gaza : la barbarie écrite sur les murs
Michel.collon -infos


C'est écrit sur le mur
Amira Hass

 
Nous sommes venus pour vous exterminer. Mort aux Arabes. Kahana avait
raison. Tolérance zéro. On veut liquider. Un Arabe mâle est un Arabe dans
la tombe. Voilà une sélection représentative de toutes les inscriptions
laissées par des soldats israéliens sur les murs des maisons palestiniennes
de Gaza dont ils avaient fait leurs bases et leurs positions de tir durant
l'opération « Plomb durci ».

Ici et là, un soldat a écrit une ligne à la tournure poétique ou une citation
biblique dans l'esprit de ces inscriptions-là. Ont aussi été écrites des injures
au Prophète Mohamed et à Ismaïl Haniyeh, à côté du tour des gardes pour
les soldats et du score de l'équipe de football favorite.   Lorsque les
propriétaires des maisons sont rentrés chez eux, ils ont généralement
découvert d'importantes destructions - dues soit aux premiers
bombardements de l'armée israélienne sur les maisons des quartiers
extérieurs, opérés dans le but de chasser les habitants du secteur, soit aux
incursions dans les maisons, accompagnées de dégradations du mobilier,
des vêtements, des murs, des ordinateurs et autres appareils électriques.
Souvent, ces maisons où les soldats avaient pénétré se retrouvaient seules
debout dans un quartier aux maisons rasées au bulldozer, réduites à l'état
de ruines. Les habitants ont aussi trouvé beaucoup de saletés laissées
derrière eux par les soldats.   En Israël, des instituts de recherche
comptabilisent chaque inscription insultante tracée dans un cimetière juif à
l'étranger et archivent tout écrit jugé problématique, afin d'évaluer la
situation de l'antisémitisme là-bas. Les médias accordent beaucoup
d'importance à toute inscription visant le Premier ministre assassiné,
Yitzhak Rabin. Mais le racisme quotidien, dans ses formes institutionnelles
et populaires, en paroles et en actes, contre les Arabes d'Israël et contre
les Palestiniens de Cisjordanie est en général couvert sobrement et avec
beaucoup de précautions. 
Il n'y a rien d'étonnant à ce que les inscriptions en hébreu laissées sur les
murs au cour de quartiers palestiniens que les auteurs ont aussi pris la
peine de démolir, n'aient pas été enregistrées par les capteurs israéliens,
toujours si sensibles au racisme visant les Juifs.   Les rapports et
témoignages sur les nombreux civils tués à distance ou de près, les porte-
parole militaires ont pu les écarter au prétexte de fabrication et de
manipulation, ou bien répondre d'une manière générale en disant que les
terroristes en étaient responsables parce qu'ils se cachaient à proximité.
La société israélienne, pour laquelle l'opération « Plomb durci » est déjà
enterrée dans des archives fermées, est toujours prête à tous les
subterfuges qui lui expliqueront à quel point son armée est juste et dotée
d'une suprématie morale.   Mais il est difficile de contester les inscriptions
en hébreu qui ont été filmées ou de dire qu'elles ont été fabriquées.
D'autant qu'elles s'accompagnent de noms d'unités de l'armée israélienne
et de noms de soldats. Et en effet, le porte-parole de l'armée israélienne a
réagi en disant que ces inscriptions étaient contraires aux valeurs de
l'armée israélienne et que celle-ci les considérait avec gravité.  
Tous les soldats n'ont pas tracé des inscriptions, mais ceux qui l'ont fait
n'en ont pas été empêchés par leurs commandants ni par leurs camarades
qui n'ont pas non plus effacé ce qu'ils avaient écrit. C'est donc le lieu de
louer l'honnêteté des soldats et leur franchise. Les soldats se sont sentis
libres d'écrire ce qu'ils ont écrit parce que - tout comme les pilotes et les
opérateurs de drones porteurs de missiles - ils savaient qu'ils avaient reçu
de leur gouvernement et de leurs commandants carte blanche pour
attaquer une population civile.
Pourquoi y aurait-il dès lors un problème avec ces mots écrits ? Ce qu'ils
ont écrit sur les murs reflète ce qu'ils ont compris comme étant l'esprit de
la mission pour laquelle ils avaient été envoyés.  
Contrairement aux commandants plus mûrs, qui sont autorisés à parler aux
quelques journalistes choisis, jugés acceptables par l'armée et qui récitent
parfaitement et soigneusement les briefings des juristes de l'armée et du
cabinet du Procureur de l'Etat, les auteurs des graffitis - soldats de l'armée
régulière qui ont grandi avec l'occupation et la supériorité militaire
israélienne - n'ont pas encore inscrit dans leur conscience que le monde ne
produisait pas que des armes mais aussi des lois, des règles et des normes
humaines.   Leurs officiers les ont autorisés à violer des normes dont ils
n'ont apparemment pas conscience de l'existence. Contrairement à ceux
qui rédigent les réponses du porte-parole de l'armée israélienne, les jeunes
soldats, manquant de sophistication, n'ont pas l'expérience nécessaire pour
couvrir les opérations de l'armée et sa mission, leur mission, avec des
mots qui brouillent la vérité.
 
Source: Haaretz
Traduction: Michel Ghys