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Souha Bechara, emprisonnée pendant 10 ans à KHIAM :
"Je suis fière de la résistance libanaise". Souha Bechara a été emprisonnée durant dix ans dans le sinistre pénitencier de Khiam. Jeune militante communiste, elle avait été arrêtée le 7 novembre 1988 après avoir tenté d'assassiner le chef de l'Armée du Liban sud (ALS),le général libanais Antoine Lahad. Grièvement blessé, le général avait été transporté dans un hôpital israélien et avait finalement survécu, mais en restant à demi paralysé. Quand à Souha Bechara, alors âgée de vingt ans,elle fut détenue durant une décennie au secret complet, sans recevoir de visites, ni de sa famille ni de ses avocats.
Même la Croix-Rouge Internationale se voyait refuser l'accès à la prison de Khiam. Ce n'est qu'à la fin de sa détention que la jeune fille put enfin pu recevoir la visite de sa mère. Pour les militaires israéliens, seuls maîtres de la zone occupée, Souha n'était rien d'autre qu'une " terroriste ". Mais pour le peuple libanais elle était devenue un symbole, celui de la nécessaire résistance à l'occupation israélienne. Elle fut libérée en septembre 1998, " pour raisons humanitaires ". Elle nous dit sa joie et son émotion à l'annonce de la libération du camp de Khiam.
Comment vivez-vous ces événements du Liban sud ? Je suis très fière de la résistance du peuple libanais. Ensemble nous avons pu libérer notre pays. Il n'y a pas de mots pour décrire ce qu'on ressent.C'est une joie immense et j'ai été très émue d'avoir pu parler à un de mes amis qui était emprisonné. Et je garde en ces moments de liesse le souvenir de tous les martyrs qui ont permis cette libération. C'était formidable devoir ces 145 prisonniers retrouver leurs parents, leurs amis, et même faire connaissance, car, emmurés dans leurs cellules, ils ne se savaient qui étaient leurs compagnons de misère. Ils ont été surpris par leur libération,ils n'avaient pas de nouvelles de l'extérieur. Comme moi, certains n'ont pas pu voir leurs familles pendant dix ans. Aucun d'entre eux n'avait été jugé.Il n'y avait pas de procès à Khiam. Dès sa création en 1985, le camp était synonyme de torture, de non-droit, de violations des droits de l'homme,d'arbitraire. · Khiam, on savait quand on y entrait - bon nombre de détenus d'ailleurs ne savaient pas pourquoi on les incarcérait - mais surtout on ignorait quand on allait en sortir. Seuls les gens transférés et détenus en Israël ont été jugés.
Est-ce que vous attendiez un dénouement aussi rapide ? Bien que l'ALS ait déclaré qu'elle pouvait continuer le combat après le retrait israélien, sa déroute était prévisible. C'était des miliciens payés par l'armée israélienne et qui se sont battus sans idéaux. Cette déroute nous apparaît dans la norme des choses. Des membres de l'ALS se sont rendus.Ils seront jugés selon les lois libanaises dans le respect des droits del'homme.
Depuis votre libération, les conditions de détention avaient elles changé àKhiam ? Elles avaient légèrement évolué après l'intervention du comité international de la Croix Rouge pour ce qui est des traitements médicaux. Ce qui est important. Pour le reste, les mauvais traitements, les tortures, lanourriture infecte, rien n'a changé.
Qui étaient les détenus de Khiam ? C'était en majorité des civils libanais qui ont rejeté toute collaboration avec l'occupant et les milices. Parmi ces civils, beaucoup de paysans qui ont refusé de quitter leurs villages. C'était une forme de résistance. Avec eux, il y a avait bien sûr des membres de la résistance armée. Le plus ancien d'entre eux est Souleiman Ramadan, dont j'attends des nouvelles avec impatience. C'est un militant communiste. Il a été arrêté en 1985. Il a été amputé des jambes et affreusement torturé. Des gens comme lui ont continué à résister du fond de leur geôle et ils ont été pour nous un vrai soutien moral.
Comment s'est organisée la résistance à l'occupation du Liban sud ? Tous les Libanais - quelle que soit la confession - qui ont dit non à l'occupation ont apporté leur pierre à la résistance. Surtout ceux qui ont refusé de quitter les zones tenues par les Israéliens et les milices de l'ALS. Ils ont subi tous les malheurs de l'occupation qui a duré vingt-deux ans. Ils ont vécu sous la menace, dans la peur mais ils ont tenus bon sur leurs terres. Le Front national de la résistance libanaise a été fondé le 15 septembre 1982 à l'initiative du Parti communiste et il rassemblait toutes les forces politiques s'opposant à l'occupation : les socialistes, les nationalistes,les nasséristes, le mouvement Amal, le parti du Hezbollah. Jusqu'en 1992 environ, les communistes étaient les plus actifs dans les opérations de résistance. Ces dernières années, le Hezbollah a renforcé ses actions militaires. On parle beaucoup de cette formation politique aujourd'hui. Mais aucun parti ne peut s'approprier la résistance. Il reste encore dans les prisons israéliennes des militants communistes libanais, comme Anwar Yassin,arrêté au Liban, transféré en Israël et condamné à trente ans de prison pour avoir mener l'opération de Abou Kamha en 1987. Il y a aussi des membres du Hezbollah comme Mustapha Dirani et Abdelkarim Abeid, enlevés au Liban l'un en 1994 l'autre en 1989, maintenus en détention administrative dans une prison israélienne. Mais il faut insister sur un point : sans la coopération des civils et l'aide de l'armée libanaise, la lutte armée n'aurait pas pu s'organiser. On ne peut pas séparer la résistance militaire de la résistance civile. Pour cette raison aujourd'hui, la libération du pays est une vraie fête pour tous les Libanais.
Al Faraby
27/05/2000